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— Cela peut être juste pour toi ; mais il y en a d’autres qui disent que les comtes d’Erlach eux-mêmes ont eu un commencement.

— Himmel ! suis-je un païen pour nier la vérité de tout ceci ? On peut commencer comme on veut, bon Roger, mais je n’aime pas les fins. Il n’y a pas de doute qu’un Erlach ne soit mortel comme nous tous, comme tout être créé, mais un homme n’est point une charge : que l’argile meure, si tu veux ; mais si tu veux avoir de fidèles et habiles successeurs, prends les successeurs légitimes. Ne parlons pas de tout cela aujourd’hui ; as-tu plusieurs hôtes à Blonay ?

— Pas un seul. J’attends l’arrivée de Melchior de Willading et de sa fille. Je n’aime pas ces nuages ! Il y a de mauvais présages autour de ces pics depuis que le soleil est couché !

— On a toujours peur de l’orage dans ton château ; le lac n’a jamais été plus paisible, et je trouverais fort mauvais qu’il fît acte de rébellion et entrât dans un de ces caprices subits avec un aussi précieux fardeau sur ses ondes.

— Je crains bien que le lac de Genève ne fasse pas même attention au déplaisir d’un bailli, reprit le baron de Blonay en souriant ; je répète que le temps n’est pas beau. Je vais consulter les mariniers, car il serait peut-être nécessaire d’envoyer un bateau léger aux voyageurs, afin qu’il puisse les ramener à terre.

Roger de Blonay et le bailli montèrent sur le petit môle en terre qui se forme tous les printemps, et qui est emporté tous les hivers par les tempêtes, afin de consulter les marins les plus expérimentés sur les symptômes qui précèdent les différents changements dans l’atmosphère. Les opinions variaient. Beaucoup pensaient qu’il y aurait une tempête ; mais, comme on savait que le Winkelried était une barque neuve et bien construite, qu’on ignorait à quel point elle avait été chargée par la cupidité de Baptiste, et qu’on pensait généralement que le vent ne lui serait pas contraire, on crut qu’il était inutile d’envoyer un bateau : en effet, en cas de tempête, on supposait avec raison qu’une barque serait plus sèche dans l’intérieur et plus sûre qu’un simple bateau. Cette indécision, assez ordinaire dans des cas semblables, exposa Adelheid, son père et tout l’équipage aux dangers que nous avons décrits.

Lorsque la nuit vint, les habitants de la ville commencèrent à comprendre que la tempête serait forte pour ceux qui s’y trou-