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faibles d’une citadelle, prenant soin qu’il y ait un feu continuel dans l’endroit le plus accessible. Par une de ces ordonnances exclusives par lesquelles les hommes étaient bien aises d’échapper à la violence et à la rapacité du baron, et au satellite du prince, ordonnances qu’on avait l’habitude alors d’appeler liberté, la famille d’Hofmeister était parvenue à remplir les fonctions d’une certaine charge ou monopole, qui faisait toute sa richesse et son importance, mais de laquelle on parlait ordinairement, comme tirant son principal droit de la gratitude du public pour des devoirs qui étaient remplis, non seulement très-bien, mais depuis une époque très-éloignée, par une suite non interrompue de patriotes descendants de la même souche. Ceux qui jugent de la valeur attachée à la possession de cette charge, par la vivacité avec laquelle les titulaires repoussaient toutes les tentatives qui étaient faites pour les débarrasser du fardeau, doivent avoir été dans l’erreur ; car, à entendre les amis de la famille discourir sur les difficultés de cet emploi, sur l’impossibilité qu’il fût rempli par aucune famille qui n’en eût pas été investie pendant cent soixante et deux ans, période précise du dévouement des Hofmeister au bien public, il semblerait qu’ils étaient autant de modernes Curtius, toujours prêts à s’élancer dans l’abîme pour sauver la république de l’ignorance et de la spéculation de quelques égoïstes, qui ne désiraient jouir de cette haute charge que par le motif indigne de leur propre intérêt. Ce sujet mis à part, et celui de la suprématie de Berne dont son importance dépendait, on ne pourrait trouver aisément un homme meilleur et plus philanthrope que Peter Hofmeister. C’était un homme gai, bon buveur (défaut particulier au siècle), respectant les lois comme il convient à un homme de sa classe et à un célibataire de soixante-huit ans, ce qui ne prouvait pas qu’à l’époque de sa jeunesse, ce qui remonte à cinquante ans plus haut que l’époque de notre histoire, il n’avait pas eu de prédilection bien romanesque en faveur du beau sexe. Enfin, Hofmeister était bailli, comme Balthazar était bourreau, grâce au mérite ou aux défauts d’un de ses ancêtres (il serait difficile de dire lequel), par les lois du canton et les opinions des hommes. La seule différence matérielle entre eux était que l’un était fort jaloux de sa place, tandis que l’autre remplissait la sienne avec répugnance. Lorsque Roger de Blonay, à l’aide d’une bonne lunette, se fut assuré que la barque au-delà de Saint-Symphorien, dont les voiles