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rouleau de la barque, il souleva le baron de Willading sur le pont. Il répéta la même expérience toujours avec un admirable sang-froid et avec dextérité, et plaça aussi Sigismond en sûreté. Le premier fut immédiatement conduit évanoui au centre de la barque, où il reçut les soins qui venaient d’être offerts au signor Grimaldi, et avec les mêmes résultats heureux. Mais Sigismond fit signe qu’il voulait que personne ne s’occupât de lui ; il marcha quelques pas puis, cédant à un épuisement total, il tomba sur les planches humides. Il resta longtemps haletant, sans parole, et sentant le frisson de la mort parcourir tout son corps.

— Neptune, brave Neptune ! s’écria encore l’infatigable Maso, toujours au poste où il jetait la corde avec la même persévérance. Les vents déchaînés qui avaient été si bruyants pendant cette nuit malheureuse s’apaisaient sensiblement ; s’ils soufflaient encore, c’était comme pour exprimer leur regret de rentrer sous le joug de l’immense pouvoir qu’ils venaient de secouer. Ils se turent bientôt tout à fait. Les vergues s’inclinèrent au-dessus du pont, et le son monotone de l’eau prit le dessus. À ce bruit il faut ajouter les aboiements lointains du chien, qui nageait toujours dans les ténèbres, et un bruit sourd comme celui que produisent des voix humaines étouffées. Quoique le temps eût paru bien long, il ne s’était écoulé que cinq minutes depuis l’accident qui était survenu et le déchaînement de la tempête. Il y avait donc encore de l’espérance pour ceux qui étaient restés sous les flots. Maso ressentait l’ardeur d’un homme qui avait déjà réussi au-delà de ses espérances et, poussé par le désir d’obtenir quelque signal qui pût le guider, il se pencha en avant jusqu’à ce que les eaux du lac couvrissent son visage.

— Ah ! s’écria-t-il enfin, Neptune, Neptune !

Certainement des voix humaines se faisaient entendre près de lui ; mais ces sons ressemblaient à ceux qui sont prononcés sous un lieu couvert. Les vents soufflèrent encore un instant ; puis ils semblèrent s’envoler vers la voûte sombre et élevée des cieux. Neptune aboyait de toute sa force, et Maso lui répondait par des cris, car la sympathie de l’homme pour son semblable est indestructible.

— Mon brave, mon noble Neptune !

Le calme était alors imposant, et Maso entendit le chien gémir. Ce signal de mauvais augure fut de nouveau suivi par le son de voix étouffées. Elles devinrent plus intelligibles. Les vents dans