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— Vous ne pouvez être jaloux d’un homme qui, si l’on en juge par son air abattu et ses yeux creux, compte tant d’années de mortifications et de souffrances ! Il a certainement une tournure qui doit donner à un homme de ton âge, aussi agile, aussi bien fait que toi, beaucoup de tourment ! Mais je vois la rougeur vous monter au front, Berchthold, et je ne veux pas vous offenser par des comparaisons qui sont si peu à votre avantage. Quels que soient les motifs du saint ermite, dans les deux occasions ou il visita notre ville, et dans les visites que nous autres filles de Duerckheim nous rendons souvent à sa cellule, il a montré un vif intérêt pour mon bonheur, soit dans ce qui regarde cette vie, soit en ce qui a rapport à celle vers laquelle tous nos pas nous dirigent par un invisible sentier.

— Je ne suis pas surpris que tous ceux qui vous voient et vous connaissent agissent ainsi, Méta ; cependant cela me semble étrange !

— Oh ! dit la jeune fille en riant, vous allez justifier les paroles de la vieille Ilse, qui m’a souvent dit : Prenez garde, Méta, et ne vous fiez pas trop facilement au langage des jeunes gens de la ville ; examinez bien leurs véritables intentions, et vous verrez qu’ils se contredisent. La jeunesse est si pressée d’atteindre son but, qu’elle ne prend pas le temps de séparer le vrai du possible. Voilà exactement ses paroles, et tu viens de les vérifier. Je crois que la bonne vieille vient de s’endormir sur ces pierres.

— Ne troublez pas son sommeil ; une personne de son âge a besoin de repos ; il serait cruel de lui dérober ce petit moment de plaisir.

Méta avait fait un pas en avant dans l’intention d’éveiller la servante, lorsque les paroles précipitées du jeune homme l’arrêtèrent. Reprenant sa première attitude sous le cèdre, elle répondit :

— Il serait en effet cruel d’éveiller une pauvre femme qui a eu tant de peine à gravir la montagne.

— Et une femme si âgée, Méta.

— Et qui a pris tant de soin de mon enfance ! Je devrais retourner à la maison de mon père ; mais ma bonne mère m’excusera, car elle aime Ilse presque autant que si elle était de sa famille.

— Votre mère est donc instruite de cette visite à l’ermitage ?