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de conduire ses vaches sur les pâturages de l’Église. Connais-tu cet homme ?

Potz-Tausend ! si tous les coquins qui commettent cette faute lorsqu’ils sont hors de la vue de leurs maîtres étaient rangés devant le révérend abbé de Limbourg, il ne saurait s’il doit commencer par des coups ou des prières, et l’on dit cependant qu’il s’entend fort bien à l’une et à l’autre chose ! Je tremble quelquefois sur ma propre conduite, quoique personne ne puisse avoir une meilleure opinion de soi-même que moi, quelque pauvre et abject que je paraisse en votre présence, car ma mauvaise destinée et quelque dérangement dans la fortune de mon père m’ont forcé de vivre parmi de tels compagnons. Si je n’étais pas d’une honnêteté reconnue, il y aurait peut-être plus de vachers sur les terres de l’abbaye, et ceux qui jeûnent maintenant par humilité pourraient jeûner alors par nécessité.

Le bénédictin examina la contenance humble de Gottlob avec une singulière expression de défiance ; il invita l’ermite à donner au paysan sa bénédiction, puis, faisant signe à celui-ci de se retirer, il s’occupa du véritable sujet de sa visite à l’ermitage.

Nous dirons simplement maintenant que le moment était extrêmement critique pour tous ceux qui habitaient le Palatinat du Rhin. L’Électeur, peut-être imprudemment pour un prince dont les ressources étaient aussi limitées, avait pris une part active à la guerre qui ravageait alors cette partie de l’Europe, et de grands revers menaçaient de mettre en danger non-seulement sa tranquillité, mais son trône. Par une conséquence du système féodal qui dominait alors généralement en Europe, des désordres intérieurs succédaient ordinairement à toutes les secousses qu’éprouvait le pouvoir du potentat qui avait droit de souveraineté sur cette multitude de petits princes qui, à cette époque, pesaient particulièrement sur l’Allemagne. Il était pour eux la loi, car ils n’étaient pas habitués à reconnaître une suprématie qui n’était pas soutenue par la force. L’échelle ascendante de souverains, comprenant barons, comtes, landgraves, margraves, ducs, électeurs et rois, jusqu’au chef nominal, l’empereur lui-même, avec tant d’intérêts variés et compliqués, embrassant tous les degrés de l’allégeance féodale, aurait conduit naturellement aux dissensions, si la couronne impériale avait eu une influence moins reconnue et moins positive. Mais incertaine dans l’application de ses moyens,