Un court silence succéda à ces paroles. L’ermite s’approcha, et leva ses mains dans l’attitude d’un homme qui veut donner sa bénédiction. Deux fois il fut sur le point de serrer Ulrike sans résistance contre son sein ; mais son visage couvert de larmes, la chasteté de son maintien, le retinrent, et, murmurant une prière, il sortit précipitamment de la hutte. Restée seule, Ulrike tomba sur un banc, les larmes coulant le long de ses joues, véritable image de la douleur.
Quelques minutes s’écoulèrent avant que la femme d’Heinrich sortit de sa rêverie. Le bruit de quelqu’un qui marchait près d’elle l’avertit qu’elle n’était plus seule. Pour la première fois de sa vie, Ulrilte essaya de cacher son émotion avec un sentiment de honte ; mais avant de pouvoir y parvenir elle vit entrer le comte et Heinrich.
— Qu’as-tu fait du pauvre Odo von Ritterstein, l’homme de péché et de douleur ? demanda le bourgmestre avec ses manières franches et sans soupçons.
— Il nous a quittés, Heinrich.
— Pour son château. Eh bien ! le malheureux a eu sa part de chagrins, et le bonheur ne viendra pas encore trop tard. La vie d’Odo, seigneur comte, ne ressemble point à ce qui nous est arrivé ; il n’a pas lieu d’en être satisfait. Si son affaire concernant les vases sacrés, quoique ce fût de toute manière un acte condamnable, avait eu lieu de nos jours, on ne l’aurait pas puni si sévèrement ; et puis (le bourgmestre frappa légèrement la joue de sa femme), perdre les faveurs d’Ulrike n’était pas la moindre de ses infortunes. Mais que tiens-tu dans ta main ?
— C’est un acte par lequel Odo von Ritterstein lègue à Berchthold ce qui lui reste de biens.
Le bourgmestre déroula rapidement le parchemin. D’un regard, bien qu’il ne sût pas le latin, son œil exercé vit qu’il était revêtu de toutes les formalités ordinaires. Alors se tournant vers Emich, car il ne fut pas long à comprendre la cause et le but de ce don, il s’écria :
— Voilà la manne dans le désert ! Nos différends sont heureusement terminés, seigneur comte ; et quant à accorder la main de Meta au propriétaire des terres de Ritterstein, ce sera un plaisir pour moi, puisque cela oblige mon illustre ami et patron. Ainsi, seigneur Emich, qu’il ne soit plus question de rien entre nous.