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sur leur arrivée et leurs succès avaient été écoutés avec plaisir par leurs amis et compatriotes. Mais lorsqu’on vit le bourgmestre et ses compagnons aux portes de la ville, les bons citoyens connurent çà et là dans leur accès de joie, et les embrassements, surtout parmi les femmes, furent mêlés de larmes. Emich et ses gens ne parurent pas, ayant pris le sentier qui conduisait au château d’Hartenbourg.

Les bourgeois, toujours catholiques quoique chancelants, avaient conçu bien des doutes sur les fruits de leur politique hardie, tandis qu’on délibérait sur leur expiation. La ville était située au milieu d’un pays qui est peut-être plus occupé de légendes extraordinaires, même de nos jours, qu’aucun autre pays de l’Europe ; et l’on peut facilement concevoir que dans de telles circonstances l’imagination d’un peuple nourri dans la superstition ne pouvait s’endormir. En effet, bien des bruits étranges circulaient dans la vallée et dans la plaine. Quelques-uns parlaient de croix de feu brillant la nuit au-dessus des murs de l’ancienne abbaye ; d’autres assuraient que des chants se faisaient entendre à minuit, et qu’on avait vu des processions de spectres parmi les tours en ruines. Un paysan, en particulier, certifiait qu’il avait eu un entretien avec l’esprit du père Johan. Ces contes trouvaient des auditeurs plus ou moins incrédules, suivant leur intelligence ; et à ceux-là on peut en ajouter un autre qui était accompagné de circonstances si positives quelles donnaient des doutes à ceux-là même qui étaient le moins disposés à prêter leur attention aux incidents d’une nature miraculeuse.

Un paysan, en traversant la forêt par un sentier solitaire, prétendait avoir rencontré Berchthold revêtu de son habit vert, sa toque sur sa tête et son cor en bandoulière, et ayant son couteau de chasse à la ceinture ; enfin, tel qu’il fut représenté au lecteur dans les premières pages de cet ouvrage. On ajoutait que le jeune homme était occupé à chasser un chevreuil, et fort animé par cet exercice. De temps en temps il soufflait dans son cor. Les chiens étaient près de lui, obéissant à son moindre signal. Enfin, on décrivait le fantôme comme participant à toutes les habitudes journalières du forestier.

Si le récit s’était arrêté là, il se serait confondu avec les mille histoires de visions semblables et effrayantes qui avaient été faites dans ce pays avide de merveilleux, et qui avaient été oubliées ;