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— Par l’honnête prieur ; et je ne conçois pas qu’un si excellent homme ait consenti à se charger d’un message si grossier et si peu charitable. Mais le meilleur d’entre nous à ses moments de faiblesse, et l’homme le plus juste et le plus prudent n’est pas toujours sur ses gardes.

— Ah ! Arnolph est venu ! — Et il est reparti ?

— Pas encore, mon bon seigneur ; car, voyez-vous, nous n’avons pas encore décidé quelle réponse nous devions faire.

— Et vous vous seriez bien gardés de le renvoyer sans me consulter, n’est-ce pas, maître Frey ? dit Emich d’un ton sec, à peu près comme un père qui gourmande son enfant. J’arrive fort à propos, et la chose mérite une sérieuse attention. Vous avez déjà songé aux termes qu’il conviendrait d’employer ?

— Oh ! sans doute, nous y avons tous mûrement songé, quoique aucun de nous n’ait encore fait connaître son opinion secrète. Quant à moi, je me prononce hautement contre toute demande d’otages ; non pas que je ne sois tout disposé à courir ce risque pour le bien de la ville, mais parce que ce serait reconnaître trop évidemment que nous avons eu tort, et donner en même temps à entendre que notre parole n’est pas une garantie suffisante.

Ce sentiment, qui depuis longtemps brûlait de se manifester, trouva de l’écho, et tous ceux qui, par leur âge ou par leur position, pouvaient craindre de faire partie des onze, débitèrent successivement quelques phrases convenables sur la nécessité de ne rien faire qui pût compromettre l’honneur de la cité. Emich les écouta tranquillement : il lui importait peu que les bourgeois conçussent de vives alarmes, puisque ce serait un motif de plus pour eux de rechercher son appui.

— Vous avez donc refusé les conditions proposées ?

— Nous n’avons rien fait encore, seigneur comte, si ce n’est, comme j’avais l’honneur de vous le dire tout à l’heure, de graves et tristes réflexions. Il est bien entendu que les demandes d’or et d’otages trouveront peu de faveur auprès de nous ; mais cependant nous autres, paisibles bourgeois, qui aimons la tranquillité, parce qu’elle seule peut nous donner du pain, plutôt que d’entretenir des troubles et des divisions éternelles dans le Palatinat, nous voudrions tourner notre réponse de telle manière que la chose pût être réduite à un petit nombre de pénitences et de pèlerinages de choix. Quoique, sous bien des rapports, nous parta-