Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

humble forestier dont tout le service se borne à suivre son maître à la chasse, dans les fêtes et aux combats ?

— Le comte Emich estime ton fils, et il ne demanderait pas mieux que de lui accorder des faveurs. Si monseigneur voulait parler à Henrich avec chaleur, toute espérance ne serait pas perdue.

Lottchen baissa les yeux sur son ouvrage à l’aiguille, car la nécessité l’avait rendue industrieuse. Elle garda longtemps le silence d’un air pensif ; mais tandis qu’Ulrike méditait sur les chances de vaincre l’ambition de son mari, un tableau bien différent se présentait l’esprit de son amie. Les paupières tremblantes de Lottchen laissèrent échapper une larme brûlante sur le linge qu’elle travaillait.

— J’ai beaucoup réfléchi depuis quelque temps, Ulrike, dit-elle, sur la justice de mêler ton bonheur et ta fortune à notre adversité. Berchthold est jeune et brave, et il me semble aussi peu nécessaire qu’injuste de t’abaisser ainsi que Meta jusqu’à notre niveau. J’ai désiré avec beaucoup d’ardeur les conseils de quelques amis moins intéressés que toi sur la conduite que nous tenons dans cette affaire, mais il est difficile de parler sur un sujet si délicat, sans faire du tort à ta fille.

— Si tu veux avoir un avis aussi sage que désintéressé, Lottchen, prends conseil de ton propre cœur.

— Il me dit d’être juste envers toi et Meta.

— Connais-tu dans Berchthold quelque défaut qui ait échappé à l’observation d’une mère exigeante qui ne veut marier sa fille qu’à quelqu’un qui la méritera ?

Lottchen sourit à travers ses larmes, et regarda les beaux traits d’Ulrike avec respect.

— Si tu veux entendre dire du mal de ce jeune homme, ne t’adresse point à celle qui met en lui toutes ses espérances. L’orphelin est la seule richesse de la veuve, et peut-être n’entendrais-tu pas la vérité de la bouche de celle qui contemple son trésor avec tant d’amour.

— Et t’imagines-tu, Lottchen, que ton fils dans sa pauvreté t’est plus cher que Meta ne l’est à sa mère, quoique la Providence nous ait conservé l’aisance et la considération ? L’infortune t’a en effet changée, et tu n’es plus la Lottchen de notre jeunesse.