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un jeune homme que ses joues brunes, son corps à demi nu et son œil noir égaré annonçaient pour être le petit-fils du pêcheur. Venise savait quand il était à propos de céder avec grâce, et le jeune homme avait reçu, sans conditions, son congé du service des galères, par pitié, comme on le disait tout bas, pour la mort prématurée de son aïeul. On pouvait reconnaître en lui l’air fier, l’esprit intrépide, et l’honnêteté rigide du vieil Antonio ; mais ces qualités étaient alors obscurcies par un chagrin bien naturel et, comme il était arrivé à celui dont il suivait le convoi, par les chances cruelles de son sort. De temps en temps la poitrine du généreux jeune homme se soulevait, tandis qu’on avançait sur le quai, en prenant le chemin de l’arsenal, et il y avait des moments où ses lèvres tremblaient, comme si le chagrin allait l’emporter sur sa fermeté.

Cependant pas une larme ne mouilla ses joues, jusqu’au moment où le corps disparut à ses yeux. Alors la nature triompha. Il s’éloigna du cercle qui l’entourait, se retira à l’écart, et pleura comme un jeune homme de son âge et plein de simplicité, lorsqu’il se trouve n’être plus qu’un voyageur isolé dans le désert du monde.

Ainsi se termina l’incident des funérailles du pêcheur Antonio Vecchio, dont le nom cessa bientôt d’être prononcé dans cette ville de mystères, mais dont on se souvint longtemps sur les lagunes, où les hommes de sa profession vantaient son talent comme pêcheur, et la manière dont il avait remporté le prix de la regatta contre les meilleurs rameurs de Venise. Son petit-fils vécut et travailla comme les autres individus de sa condition ; et nous prendrons ici congé de lui, en disant qu’il avait si bien hérité des qualités de son aïeul, qu’il s’abstint de paraître parmi la foule que la curiosité ou l’esprit de vengeance attira sur la Piazzetta quelques heures plus tard.

Le père Anselme prit une barque pour retourner sur les canaux, et en mettant le pied sur le quai de la petite place, il espérait qu’il lui serait enfin permis de chercher les personnes dont il ignorait encore le destin, et auxquelles il prenait un si vif intérêt. Il n’en fut pourtant rien. L’individu qui lui avait parlé dans la cathédrale semblait l’attendre ; et connaissant inutilité et le danger de toute remontrance quand il s’agissait des affaires de l’État, le carme se laissa conduire où il plut à son guide de le