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qu’on est presque forcé ordinairement de chasser de cette maison, es-tu si pressé de la quitter ?

— Ne t’ai-je pas dit que ce message concernait six nobles familles, et que si je n’arrive pas à temps, il y aura un combat… entre les Florentins et la république ?

— Tu n’as rien dit de la sorte, et je ne crois pas que tu sois un ambassadeur de Saint-Marc. Dis-moi tout d’un coup la vérité, Gino Monaldi, ou laisse là le masque et la jaquette pour reprendre les fleurs de Sainte-Agathe.

— Eh bien ! comme nous sommes amis, et que j’ai foi en ta discrétion, Annina, tu connaîtras la vérité tout entière : car je m’aperçois que la cloche a seulement sonné les trois quarts, ce qui me laisse encore un moment pour cette confidence.

— Tu regardes la muraille, Gino, et tu cherches dans ta tête quelque mensonge plausible.

— Je regarde la muraille, parce que ma conscience me dit que ma faiblesse pour toi est sur le point de me faire commettre une faute. Ce que tu prends pour de la fausseté est seulement de la retenue et de la discrétion.

— C’est ce que nous verrons quand ton histoire sera racontée.

— Alors, écoute. Tu as entendu parler de cette affaire entre mon maître et la nièce du marquis romain qui fut noyé dans le Giudecca par la maladresse d’un habitant d’Ancône qui passa par-dessus la gondole de Pietro comme si sa felouque avait été une galère de l’État ?

— Qui a été sur le Lido, le mois passé, sans entendre raconter cette histoire, avec les variantes que chaque gondolier inventait dans sa colère ?

— Eh bien ! cette affaire doit en venir à une conclusion cette nuit : mon maître est sur le point, je le crains, de faire une folie.

— Il va se marier ?

— Ou pis encore. Je suis envoyé en toute hâte et mystère à la recherche d’un prêtre.

Annina montra un grand intérêt à écouter la fiction du gondolier. Néanmoins, étant d’un caractère défiant et connaissant depuis longtemps le caractère de Gino, elle n’écouta pas cette explication sans manifester quelque doute sur sa vérité.

— Ce seront des noces bien subites ! répondit-elle après un moment de silence. Il est heureux que peu de personnes soient