Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/351

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentation légale est bien plus nécessaire à un peuple civilisé qu’à un peuple qui conserve sa simplicité primitive, puisque la responsabilité, qui est l’essence d’un gouvernement libre, contiendra bien plus les agents d’une nation civilisée que tout autre moyen. L’opinion commune qu’une république ne peut pas exister sans un degré extraordinaire de vertu parmi les citoyens est si flatteuse pour nous autres Américains du Nord, que nous prenons rarement la peine d’en approfondir la vérité. Cependant il nous semble que l’effet est mis ici à la place de la cause. On dit que comme le peuple est entièrement maître dans une république, le peuple devrait être vertueux afin de bien gouverner ; mais s’il en était ainsi, cela serait aussi vrai d’une république que de toute autre forme de gouvernement. Les rois gouvernent, et certainement tous n’ont pas été vertueux. Le sujet de notre histoire prouve suffisamment que l’aristocratie qui gouvernait à Venise donnait un démenti à cette opinion. Toutes choses égales d’ailleurs, il est certain que les citoyens d’une république porteront à un plus haut degré les vertus privées que les sujets de tout autre gouvernement. La responsabilité au tribunal de l’opinion publique existant dans toutes les branches d’une administration républicaine, la morale de convention qui caractérise les opinions dominantes n’agit seulement que sur la masse, et ne peut être changée en une arme de corruption, comme cela arrive lorsque des institutions factices donnent une direction fausse à son influence.

L’affaire dont nous entretenons nos lecteurs est une preuve de ce que nous venons de dire. Le signor Soranzo était un homme d’un caractère naturellement excellent ; ses habitudes domestiques avaient contribué à favoriser ces bonnes dispositions. Comme tous les Vénitiens de son rang, il avait fait une étude de la politique de la soi-disant république de Venise ; et le pouvoir des intérêts collectifs, ainsi qu’une impérieuse nécessité, lui avait fait admettre plusieurs théories qu’il eût repoussées avec indignation si elles lui avaient été présentées sous une autre forme. Cependant le signor Soranzo était loin de comprendre les effets de ce système que sa naissance l’obligeait à soutenir. Venise elle-même payait à l’opinion publique l’hommage dont il a été question tout à l’heure, et ne présentait à l’Europe qu’une fausse exposition de ses véritables principes politiques. Malgré cette prudence, la plupart de ceux qui étaient trop apparents pour être voilés étaient