Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

charmante, formait un riant tableau dans la noble demeure à laquelle nous venons de faire allusion. On voyait un père qui avait à peine atteint l’âge mûr. Dans ses yeux brillaient en même temps la vivacité, l’esprit, l’humanité, et dans ce moment l’amour paternel. Il pressait dans ses bras avec orgueil un joyeux enfant de trois ou quatre ans, ravi d’un amusement qui le rendait presque aussi grand que son père. Une belle Vénitienne aux tresses d’or, aux joues purpurines, telle que le Titien aimait à peindre les femmes, couchée sur un lit de repos, suivait les mouvements de ces deux êtres qui lui étaient si chers, avec les sentiments d’une mère et d’une épouse ; elle souriait de la joie bruyante de son jeune enfant. Une fille qui était son image, dont les cheveux tombaient jusqu’à la ceinture, jouait avec un enfant d’un âge si tendre, que les yeux d’une mère pouvaient seuls découvrir en lui les signes d’une croissante intelligence. Telle était la scène qu’offrait cette famille lorsque l’horloge de la Piazza sonna dix heures. Frappé de ce bruit, le père mit son enfant à terre et consulta sa montre.

— Feras-tu une promenade en gondole, mon amour ? demanda-t-il.

— Avec toi, Paolo ?

— Non, ma chère ; j’ai des affaires qui me retiendront jusqu’à minuit.

— Vous m’en faites accroire lorsque vos caprices vous conduisent loin de moi.

— Ne me parle pas ainsi. J’ai donné rendez-vous ce soir à mon homme d’affaires, et je connais trop bien ton cœur maternel pour penser que tu veuilles me retenir lorsqu’il s’agit des intérêts de nos chers enfants.

Donna Giulietta sonna ses femmes pour avoir son manteau. Le jeune enfant et le bruyant garçon furent conduits au lit, tandis que la dame et sa fille aînée descendirent à la gondole.

Donna Giulietta ne se rendit pas seule à son bateau ; car dans son union, l’inclination avait heureusement été consultée en même temps que les intérêts avaient été débattus.

Son mari baisa tendrement sa main en la conduisant à sa gondole ; et le bateau s’était éloigné à quelque distance du palais avant qu’il eût quitté les pierres humides de la porte d’eau.

— As-tu préparé le cabinet pour mes amis ? demanda le signor