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chure des courants inférieurs qui s’y jettent, qu’à celle de la plupart des autres rivières qui coulent également des Alpes et des Apennins dans la même petite mer.

La conséquence naturelle du courant d’une rivière qui se rencontre avec les eaux de quelques bassins plus larges où il n’y a pas un fond de roche, est la formation, à l’endroit où les forces opposées se neutralisent, d’un banc qu’on appelle en terme technique une barre. Les côtes des États-Unis fournissent des preuves constantes de la vérité de cette théorie, chaque rivière ayant sa barre, avec ses canaux, qui sont souvent déplacés ou nettoyés par les inondations, les brises ou les marées. L’opération continuelle et puissante des vents du sud-est d’un côté, et l’augmentation périodique des courants des Alpes de l’autre, ont converti la barre de l’entrée des lagunes vénitiennes en une succession d’îles longues, basses et sablonneuses qui s’étendent en ligne droite presqu’en travers de l’embouchure du golfe. Les eaux des rivières se sont nécessairement ouvert quelques canaux pour leur passage ; sans cela, ce qui est maintenant une lagune serait il y a longtemps devenu un lac. Un autre millier d’années peut changer le caractère de ce singulier pays, au point de métamorphoser les canaux de la baie en rivières, et le rivage boueux en marais et en prairies, semblables à celles qu’on voit déjà aujourd’hui, pendant un si grand nombre de lieues, dans l’intérieur des terres. La ligne de sable qui donne au port de Venise et à ses lagunes toute sa sécurité est appelée le Lido de Palestrine ; elle est artificielle en plus d’une partie ; et la muraille du Lido (littéralement le rivage), quoique incomplète comme la plupart des ouvrages vantés de l’ancien hémisphère et plus particulièrement de l’Italie, peut rivaliser avec le môle d’Ancône et la jetée de Cherbourg. Les cent petites îles qui contiennent maintenant les ruines de ce qui était dans le moyen âge le marché de la Méditerranée, sont groupées les unes près des autres à la distance d’une portée de canon de leur barrière naturelle. L’art s’est uni à la nature pour tirer de tout cela un bon parti, sans compter l’influence des causes morales, la rivalité d’une ville voisine, entretenue par la politique, et enfin la crue graduelle des eaux, causée par le dépôt continuel des torrents. Il serait difficile d’imaginer un havre plus commode et plus sûr, lorsqu’on y est une fois entré, que celui de Venise, même de nos jours. Comme les plus profonds