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— Je n’ai de temps à perdre ce soir, Gino, ni pour toi ni pour ton vin ; si tu ne m’avais pas retenue, je serais déjà dehors et contente.

— Mets les verrous à la porte, ma fille, et ne fais pas de cérémonie avec un ancien ami, dit le gondolier en lui offrant officieusement de l’aider à fermer sa maison.

Annina le prit au mot, et s’étant mis tous deux sérieusement en besogne, la maison fut fermée, et la jeune fille et son amant entrèrent dans la rue. Ils avaient à traverser le pont dont nous avons déjà parlé. Gino lui montra sa gondole et lui dit : — Tu ne te laisseras pas tenter, Annina ?

— Ton imprudence, en amenant les fraudeurs si près de la maison de mon père, nous jouera, un jour ou l’autre, un mauvais tour, maladroit que tu es !

— Cette hardiesse est précisément ce qui préviendra les soupçons.

— De quel vignoble vient ce vin ?

— Du pied du Vésuve, et le raisin est mûri par la chaleur du volcan. Si mes amis le vendent à ton ennemi le vieux Beppo, ton père se repentira de ne pas avoir profité de l’occasion.

Annina, toujours prête à écouter la voix de l’intérêt, jeta un regard d’envie sur la barque. Les rideaux du pavillon étaient fermés, mais il était spacieux, et son imagination le lui représentait déjà rempli d’outres venant de Naples.

— Ce sera la dernière de tes visites à notre porte, Gino ?

— Comme tu le voudras ; — mais descends et goûte ce vin.

Annina hésita ; puis, comme on dit qu’une femme le fait toujours quand elle hésite, elle céda ; ils entrèrent précipitamment dans la gondole, et sans regarder les bateliers qui étaient encore étendus sur les lianes, Annina se glissa sur-le-champ sous le pavillon. Un cinquième gondolier y était appuyé sur des coussins ; car bien loin de ressembler à une barque de contrebande, cette gondole offrait les mêmes arrangements que celles dont on se servait sur les canaux.

— Je ne vois rien qui ait pu me détourner de mon chemin s’écria Annina, trompée dans son attente. — Que me voulez-vous, Signor ?

— Tu es la bienvenue. Nous ne nous séparerons pas si aisément que nous l’avons déjà fait.