Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Tu ne juges pas comme le monde, Carlo. J’avais craint que tu n’éprouvasses de la honte d’être le mari de la fille d’un geôlier ; et même — je ne te cacherai pas ce secret plus longtemps, puisque tu me parles à présent avec tant de calme, — j’ai pleuré, dans ma crainte que cela ne fût ainsi.

— En ce cas, tu ne connais ni Carlo ni le monde. Si ton père était membre du sénat ou du conseil des Trois, et que ce fait fût connu, tu aurais une cause légitime de chagrin. — Mais la nuit tombe sur les canaux, Gelsomina, et il faut que je te quitte.

Gelsomina reconnut à regret la vérité de ce qu’il lui disait, et, prenant une clef, elle ouvrit la porte du pont couvert. Quelques corridors et un escalier les conduisirent au niveau du quai. Là le Bravo prit congé de sa compagne à la hâte, et sortit de la prison.


CHAPITRE XX.


Mais pour se tromper ainsi, il faut être de vrais novices.
Lord ByronDon Juan.


L’heure des plaisirs de la Piazza et du mouvement des gondoles était arrivé. Des masques se montraient le long des portiques comme de coutume ; le bruit des chants et des cris se faisait entendre de nouveau, et Venise était encore agitée d’une gaieté trompeuse.

Quand Jacopo se trouva sur le quai en sortant de la prison, il se mêla aux flots d’êtres humains qui se dirigeaient vers les places, le masque privilégié le mettant à l’abri des observations. En traversant le pont inférieur du canal de Saint-Marc, ; il s’arrêta un instant pour jeter un regard sur la galerie vitrée qu’il venait de quitter, et s’avança ensuite, avec la foule, occupé surtout de l’ingénue et confiante Gelsomina. Tout en passant le long des