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plus vive, les différents navires qui étaient en vue s’éloignaient, et lorsque don Camillo atteignit la barrière de sable qui sépare les lagunes de l’Adriatique, la plupart d’entre eux avaient traversé les passages, et se dirigeaient dans le golfe suivant leurs destinations. Le jeune Napolitain avait laissé ses gens suivre la direction qu’ils avaient d’abord prise, et c’était uniquement par indécision : il était certain que son épouse était dans un des bâtiments qu’il avait en vue, mais il ne pouvait savoir quel était celui qui était chargé de ce dépôt précieux ; et quand il eût été instruit de ce secret important, les moyens de poursuite lui manquaient. Quand il débarqua, ce fut donc avec le seul espoir de pouvoir former quelque conjecture générale sur la partie des domaines de la république dans laquelle il devait chercher celle qu’il avait perdue, en examinant de quel côté de l’Adriatique se dirigeaient les diverses felouques. Cependant il était déterminé à commencer sa poursuite sur-le-champ, et, en quittant sa gondole, il se tourna vers son gondolier de confiance, pour lui donner les instructions nécessaires.

— Tu sais, Gino, lui dit-il, qu’il y a dans le port un vassal de mes domaines, patron d’une felouque de Sorrente ?

— Oui, Signore ; et je le connais mieux que je ne connais mes propres défauts ou même mes vertus.

— Va le chercher sur-le-champ, et assure-toi qu’il y est encore. J’ai imaginé un plan pour le faire entrer au service de son seigneur naturel ; mais je voudrais savoir si son bâtiment est bon voilier.

Gino fit en peu de mots l’éloge du zèle de son ami, et ne vanta pas moins la bella Sorrentina ; puis, la gondole s’éloignant du rivage, il se mit à manier la rame en homme empressé de s’acquitter de sa mission.

Il y a sur le Lido di Palestrina un lieu solitaire où l’esprit exclusif du catholicisme a voulu que les restes de tous ceux qui meurent à Venise hors du giron de l’église romaine retournent à la poussière dont ils sont sortis. Quoiqu’il ne soit pas éloigné du lieu ordinaire du débarquement et du petit nombre de maisons qui bordent le rivage, cet asile funèbre peut très-bien rappeler l’idée d’un sort sans espoir. Isolé, également exposé à l’air chaud du midi et au vent glacial des Alpes, fréquemment couvert par l’eau qui se détache du sommet des vagues de l’Adriatique, et