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accoutumés l’astuce du sénat pour ne pas connaître les moyens de la déjouer.

— La jeunesse tient toujours le même langage quand elle se laisse séduire par cette illusion agréable qui dore l’avenir d’une teinte flatteuse. L’âge et l’expérience peuvent la condamner ; mais cette faiblesse continuera d’être le partage de tous les jeunes gens, jusqu’à ce qu’ils apprennent à voir la vie sous ses véritables couleurs. Duc de Sainte-Agathe, quoique tu sois un noble de haute naissance, que tu portes un nom illustre et que tu sois le seigneur d’un grand nombre de vassaux, cependant tu n’es pas une puissance. Tu ne peux ni faire une forteresse de ton palais à Venise, ni charger un héraut de porter un cartel au doge.

— Vous avez raison, révérend ; je ne puis rien faire de tout cela ; et celui même qui le pourrait aurait tort de compter sur sa fortune pour commettre de tels actes de témérité. Mais les États de Saint-Marc ne couvrent pas toute la terre. Nous pouvons fuir.

— Le sénat a le bras long, avec mille mains qui le servent en secret.

— Personne ne le sait mieux que moi. Cependant il ne commet pas d’actes de violence sans motifs. La main de sa pupille une fois irrévocablement unie à la mienne, le mal, en ce qui le concerne, devient irréparahle.

— Le crois-tu ? On trouverait bientôt des moyens pour vous séparer. Ne te flatte pas que Venise renonce si aisément à ses desseins. La fortune d’une maison comme celle-ci achèterait d’indignes prétendants à sa main, et tes droits seraient méprisés ou peut-être niés.

— Mais, mon père, s’écria Violetta, la cérémonie de l’Église ne peut être méprisée. Elle est sacrée, puisqu’elle est instituée par le ciel.

— Ma fille, je le dis avec chagrin ; mais les grands et les puissants trouvent les moyens de briser les nœuds formés même par le saint Sacrement. Ta richesse ne servirait qu’à sceller ta misère.

— Cela pourrait arriver, mon père, si nous restions à la portée de Saint-Marc, s’écria le Napolitain. Mais une fois hors de ses frontières, ce serait usurper trop hardiment les droits d’un État étranger que de mettre la main sur une personne. D’ailleurs, mon château de Sainte-Agathe est une retraite qui défiera leurs