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— Mon père, sommes-nous dignes de connaître plus en détail ce que tu as vu ?

— Les secrets du confessionnal sont sacrés, mon fils ; mais ce que j’ai appris est fait pour couvrir de honte les vivants et non les morts.

— Je vois en ceci les mains de ceux qui sont là-haut. — Car c’était ainsi qu’on désignait le conseil de Trois. — Ils se sont immiscés dans mes affaires, pendant des années, par pur égoïsme ; et je dois l’avouer à ma honte, ils m’ont forcé, pour obtenir justice, à une soumission aussi peu d’accord avec mes sentiments qu’avec mon caractère.

— Tu es incapable de cette injustice envers toi-même, Camillo.

— C’est un gouvernement horrible, ma chère Violetta ; et les fruits en sont également pernicieux à celui qui commande et à celui qui obéit. Il offre le plus grand de tous les dangers, le fléau du secret sur ses intentions, sur ses actes et sur sa responsabilité.

— Tu dis la vérité, mon fils, il n’y a d’autre, sécurité contre l’oppression et l’injustice dans un État que la crainte de Dieu et la crainte des hommes. Venise ne connaît pas la première, car trop de gens y partagent l’odieux de ses crimes ; et quant à la seconde, les actes communs ici sont cachés à la connaissance des hommes.

— Nous parlons bien-hardiment pour des gens qui vivent sous ses lois, dit donna Florinda en jetant un regard timide autour d’elle. Comme nous ne pouvons ni changer ni corriger les usages de l’État, il vaut mieux que nous gardions le silence.

— Si nous ne pouvons changer le pouvoir des Conseils, nous pouvons l’éluder, répondit don Camillo en baissant la voix, et poussant la prudence jusqu’à fermer la croisée, après avoir promené un regard inquiet sur les portes de l’appartement. Êtes-vous sûre de la fidélité des domestiques, donna Florinda ?

— Il s’en faut de beaucoup, Signore. Nous en avons qui sont d’anciens serviteurs et dont la fidélité est éprouvée, mais il en est qui nous ont été donnés par le sénateur Gradenigo, et ce sont, sans aucun doute, des agents de l’État.

— C’est ainsi qu’ils font espionner la conduite privée de chacun. Je suis forcé de garder dans mon palais des valets que je sais être à leur solde, et pourtant je crois qu’il vaut mieux paraître