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que l’union soit assortie ? Comment pouvons-nous savoir si les domaines de ma jeune amie n’ont pas autant de valeur aux yeux du duc de Sainte-Agathe qu’aux yeux de celui que le sénat peut lui choisir pour époux ?

— Cela pourrait-il être ? s’écria Violetta.

— Ne le croyez pas. Le but de mon voyage à Venise n’est point un secret. Je suis venu réclamer la restitution de domaines depuis longtemps ravis à ma famille, et les honneurs du sénat qui m’appartiennent à juste titre. Mais j’abandonne tous ces biens pour l’espérance de votre amour.

— Tu l’entends, Florinda ? don Camillo ne peut tromper.

— Quel droit ont le sénat et Venise de remplir votre existence de misère ! soyez à moi, charmante Violetta ; et sous les remparts de mon château de Calabre nous défierons leur vengeance et leur politique. Leur désappointement fera la joie de mes vassaux, et notre félicité le bonheur de ceux qui nous entoureront. Je n’affecte point de mépriser la dignité des Conseils ; je n’affecta pas non plus de l’indifférence pour le rang que je perds ; mais à mes yeux vous êtes un trésor plus précieux que le bonnet du doge lui-même avec toute sa gloire et toute son influence imaginaire.

— Généreux Camillo !

— Soyez à moi, et épargnez aux froids calculateurs du sénat un nouveau crime. Ils pensent qu’ils peuvent disposer de vous à leur profit, comme d’une indigne marchandise ; mais vous tromperez leurs desseins. Je lis une généreuse résolution dans vos yeux, Violetta ; votre volonté sera plus forte que leur finesse et leur égoïsme.

— Je ne veux pas être vendue, don Camille Monforte : ma main doit être accordée comme il convient à une fille de ma condition. Ils peuvent encore me donner la liberté du choix ; le signor Gradenigo m’a flattée, il y a peu de temps, de cette espérance en me parlant d’un établissement digne de mon rang.

— Ne le croyez pas ; il n’existe pas à Venise un cœur plus égoïste et plus froid. Il cherche à ménager votre union avec son fils, cavalier débauché, sans honneur, et victime des juifs du Rialto. Ne le croyez pas, car il est habile à tromper.

— Si cela est vrai, il est la victime de ses propres desseins. De tous les jeunes gens de Venise, Giacomo Gradenigo est celui que j’estime le moins.