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— Qu’est-ce que cela signifie ? s’écria un des Trois ; il me semble que c’est le gage de nos fiançailles.

— En effet, illustre sénateur, c’est avec cette bague que le doge épousa l’Adriatique en présence des ambassadeurs et du peuple.

— As-tu quelque chose à démêler avec ce dernier incident, Jacopo ? demanda le juge d’une voix sévère.

Le Bravo tourna ses regards sur le bijou avec intérêt, mais sa voix conserva son calme habituel lorsqu’il répondit :

— Non, Signore ; jusqu’ici je n’avais aucune connaissance de la bonne fortune du pêcheur.

Le secrétaire continua ses questions

— Tu dois rendre compte et clairement, Antonio, dit-il, de la manière dont cette bague sacrée est tombée en ta possession quelqu’un t’a-t-il aidé à l’obtenir ?

— Oui, Signore.

— Nomme la personne, afin que nous nous assurions d’elle.

— Ce serait inutile, Signore ; elle est au-dessus du pouvoir de Venise.

— Que prétends-tu dire, pêcheur ? tous ceux qui habitent dans les limites de la république sont soumis à ses droits et à sa force. Réponds, et non d’une manière évasive, si tu tiens à la vie.

— J’attacherais du prix à ce qui a bien peu de valeur, Signore, et je serais coupable d’une grande folie aussi bien que d’un grand péché, si je vous trompais pour sauver un corps aussi vieux et aussi indigne que le mien. Si Vos Excellences veulent m’écouter, elles verront que je suis prêt à leur dire de quelle manière cette bague m’est parvenue.

— Parle alors, et dis la vérité.

— Je ne sais pas, Signore, si vous êtes habitué à entendre des mensonges, puisque vous avertissez si souvent de les éviter ; mais nous autres des lagunes, nous n’avons pas peur de dire ce que nous avons vu et ce que nous avons fait, car la plupart de nos actions se passent avec les vents et les vagues qui ne reçoivent l’ordre que de Dieu. Il y a une tradition, Signore, parmi nous autres pêcheurs, qui dit que dans les temps passés un homme appartenant à notre corporation retira de la baie la bague que le doge donne en mariage à l’Adriatique. Un bijou de cette valeur était peu utile à celui qui jetait tous les jours ses filets pour du pain et de l’huile, et il la rapporta au doge comme il convient à