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ques différentes, à l’égoïsme de toutes les corporations dans lesquelles la responsabilité d’un individu (encore que ces actes soient soumis aux expédients temporisateurs d’un intérêt collectif) est perdue dans la responsabilité trop subdivisée de chefs nombreux. À l’époque à laquelle nous écrivons, l’Italie avait plusieurs de ces soi-disant républiques, dans aucune desquelles néanmoins on ne confia jamais la moindre portion du pouvoir à la classe populaire, quoique peut-être il n’y en ait pas une qui n’ait été citée tôt ou tard pour prouver l’inhabileté de l’homme à se gouverner lui-même. Afin de démontrer la fausseté du raisonnement qui se plaît à annoncer la chute de notre système libéral, en le comparant aux États transatlantiques du moyen-âge, il suffira de décrire ici avec quelques détails les formes selon lesquelles le pouvoir était obtenu et exercé dans le plus important de tous ces États.

La hiérarchie des rangs, considérée comme entièrement indépendante de la volonté de la nation, formait la base de la politique de Venise. L’autorité, quoique divisée, n’en était pas moins un droit de naissance, comme dans ces gouvernements où l’on avouait hautement que c’était un don de la Providence. La noblesse avait ses privilèges exclusifs qui étaient conservés et maintenus avec autant d’égoïsme que d’ambition. Celui qui n’était pas né pour gouverner avait peu d’espoir d’entrer en possession de ses droits naturels, tandis que celui que le hasard avait créé pour le gouvernement était revêtu du pouvoir le plus despotique et le plus terrible. À un certain âge, tous les sénateurs (car, par une spécieuse tromperie de mots, la noblesse ne prenait pas son titre habituel) étaient admis dans les conseils de la nation. Les noms des principales familles se trouvaient inscrits sur un registre appelé le Livre d’or, et celui qui jouissait de cette distinction enviée pouvait, à peu d’exceptions près (par exemple, le cas dans lequel se trouvait don Camillo), se présenter au sénat, et briguer par suite les honneurs du bonnet à cornes. Les limites de cet ouvrage et son but ne nous permettent pas une digression assez étendue pour tracer l’esquisse complète d’un système si vicieux, et qui n’était peut-être rendu tolérable à ceux qu’il gouvernait que par les contributions énormes des provinces conquises et restées dépendantes, sur lesquelles, comme c’est l’usage lorsque la métropole fait la loi, l’oppression pesait principalement. Le lecteur devi-