prenait. Ils avaient innové contrairement à un principe généralement reçu, et ils ne sont ni les premiers ni les derniers qui se soient imaginé qu’il suffit de commencer une amélioration politique pour atteindre tout d’un coup à la perfection. Venise n’admettait pas la doctrine du droit divin ; et comme son principe n’était qu’un vain simulacre, elle réclamait hardiment le titre de république. Elle croyait qu’une représentation des plus hauts et des plus brillants intérêts de la société était le principal objet d’un gouvernement ; et fidèle à cette erreur séduisante, mais dangereuse, elle confondit jusqu’à la fin le pouvoir collectif avec le bonheur social.
On peut admettre comme principe politique dans toutes les relations civiles que le fort tend toujours à devenir plus fort, et le faible plus faible, jusqu’à ce que le premier devienne incapable de gouverner et le second de souffrir.
C’est dans cette importante vérité qu’est le secret de la chute de tous ces États qui se sont écroulés sous le poids de leurs propres abus.
Cela prouve la nécessité d’élargir les fondements de la société, jusqu’à ce que la base ait une étendue assez considérable pour assurer la juste représentation de tous les intérêts, sans quoi la machine sociale est sujette à des interruptions, en vertu de son propre mouvement, et souvent à la destruction par suite de ses excès.
Venise, quoique jalouse de son titre de république, et le conservant avec ténacité, n’était réellement qu’une oligarchie étroite, vulgaire et cruelle. Elle n’avait de droit au premier titre que parce qu’elle repoussait la doctrine absolue du droit divin ; mais dans la pratique elle méritait les reproches qui viennent d’être énoncés, par ses principes d’exclusion, dans tous les actes de sa politique étrangère, dans toutes les mesures de sa politique intérieure. Une aristocratie manque toujours de ce sentiment personnel élevé qui tempère souvent le despotisme par les qualités du chef, ou par les impulsions généreuses et humaines d’un gouvernement populaire. Elle a le mérite de substituer les intérêts aux hommes, il est vrai, mais malheureusement elle substitue les intérêts de quelques hommes à ceux de tous. Elle participe, et elle a toujours participé, quoique cette règle générale soit nécessairement modifiée par les circonstances et les opinions des épo-