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Le vieillard regarda attentivement son compagnon, puis il hocha la tête sans lui répondre. De nouvelles plaisanteries faites à ses dépens lui firent tourner les yeux, et il aperçut un groupe de ses compagnons des lagunes qui semblaient penser que son ambition déraisonnable était une sorte d’affront pour l’honneur de tout leur corps.

— Comment ! vieil Antonio, s’écria le plus hardi de la bande ; n’est-ce pas assez d’avoir gagné les honneurs du filet ? tu voudrais avoir un aviron d’or suspendu à ton cou ?

— Nous le verrons siéger au sénat, cria un autre.

— Sa tête nue attend le bonnet de doge, continua un troisième. Nous verrons l’amiral Antonio voguer sur le Bucentaure avec les nobles de la république !

Ces saillies furent suivies d’éclats de rire. Les beautés mêmes qui ornaient le balcon ne pouvaient s’empêcher de sourire de ces continuelles plaisanteries et du contraste que formaient l’âge et les prétentions de cet étrange prétendant aux honneurs de la regatta. Le vieillard sentit sa résolution l’abandonner. Néanmoins il semblait excité par un motif secret qui s’engageait à persévérer. Son compagnon examinait attentivement l’expression changeante d’un visage qui était trop peu habitué à feindre pour cacher ce qu’il éprouvait intérieurement. En approchant du point de départ, il adressa de nouveau la parole à Antonio.

— Tu peux encore te retirer, dit-il. Pourquoi un homme de ton âge vient-il remplir ses derniers jours d’amertume, en s’exposant aux plaisanteries de ses compagnons ?

— Saint Antoine fit un plus grand miracle, dit-il, lorsqu’il força les poissons à s’arrêter sur les vagues pour écouter ses prédications, et je ne veux pas montrer un cœur faible au moment où j’ai le plus besoin de résolution.

Le marin masqué se signa dévotement, et, abandonnant le projet de persuader à Antonio qu’il ne devait point tenter une lutte inutile, il donna toutes ses pensées aux hasards qu’il allait courir lui-même dans cette course.

Le peu de largeur de la plupart des canaux de Venise, les angles innombrables et le passage continuel des gondoles, ont donné lieu à un mode de construction et à une manière de ramer si particulière à Venise et à ses dépendances, qu’il est nécessaire d’en parler. Le lecteur a déjà, sans aucun doute, compris qu’une gon-