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des nations conquises s’agitaient avec bruit au-dessus des mâts de triomphe. Chaque clocher avait déployé l’image du lion ailé, et les palais se distinguaient par la richesse des tapisseries qui flottaient aux fenêtres et aux balcons.

Au milieu de ce brillant spectacle on entendait le murmure de cent mille voix, au-dessus desquelles s’élevaient de temps en temps le bruit des trompettes et les symphonies d’une musique harmonieuse. Là l’improvisateur, secrètement employé par un gouvernement politique et mystérieux, racontait avec une rapide éloquence, et dans un langage approprié à l’oreille populaire, aux pieds des bigues à la cime desquelles flottaient les bannières réunies de Candie, de l’île de Crête et de la Morée, les anciennes conquêtes de la république ; ici un chanteur de ballades rappelait à la foule attentive sa gloire et sa justice. Des applaudissements unanimes succédaient à toutes les allusions heureuses de la renommée nationale, et des bravos bruyants étaient la récompense de ces rhapsodes de la police, lorsqu’ils réussissaient à flatter la vanité de leurs auditeurs.

Pendant ce temps, des gondoles riches d’or et de sculptures, et portant ces femmes de Venise si célèbres par leur grâce et leur beauté, se montraient par centaines autour du port. Un mouvement général avait eu lieu déjà parmi les vaisseaux, et un large canal s’ouvrit depuis le quai, au pied de la Piazzetta, jusqu’au rivage éloigné que baignent les vagues de l’Adriatique. Des deux côtés de cette route liquide, des bateaux remplis de curieux s’approchèrent rapidement.

La foule augmentait à mesure que le jour avançait. Les vastes plaines de Padoue semblaient avoir envoyé tous leurs habitants au milieu de cette joie. Quelques masques timides et irrésolus commençaient à se mêler au milieu de la foule ; c’étaient des moines dérobant à la monotonie de leurs cloîtres un moment de plaisir, à la faveur de ce déguisement. Venaient ensuite les riches équipages marins des ambassadeurs des différents États étrangers ; puis, au milieu des cris de la populace et des sons du clairon, le Bucentaure sortit du canal de l’arsenal, et vint majestueusement prendre sa station près du quai de Saint-Marc.

Après ces préliminaires qui occupèrent l’attention pendant quelques heures, les hallebardiers et autres gardes employés auprès du chef de la république s’ouvrirent un chemin à travers