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— Et le papier entre les feuilles ? Étiez-vous aussi chargé de ce billet, bon François ?

Le valet s’arrêta, haussa les épaules, et posa un de ses doigts jaunes sur le bout d’un énorme nez aquilin. Alors, secouant la tête perpendiculairement, il précéda le capitaine en disant dans son mauvais anglais mêlé de français[1] :

— Quant au papier, cela peut être, car je me rappelle que mademoiselle Alida me dit : Prenez garde. Mais je ne l’ai pas vu depuis. Je suppose que c’étaient de beaux compliments écrits sur les vers de M. Pierre Corneille. Quel génie que celui de cet homme-là ! N’est-ce pas, Monsieur ?

— Cela ne fait rien, bon François, dit Ludlow en glissant une guinée dans la main du valet. Cependant, si vous savez jamais ce que ce papier est devenu, je vous serai obligé de me le faire connaître. Bonsoir, mes devoirs à la belle Alida.

— Votre serviteur, monsieur le capitaine. C’est un brave monsieur que celui-là, ajouta François lorsque Ludlow fut parti. Il n’a pas d’aussi grandes terres que M. le patron, mais il ne manque pas non plus de fortune. J’aimerais à servir un maître aussi généreux ; malheureusement il est marin, et M. de Barberie n’avait pas trop d’amitié pour les hommes de cette profession-là.



CHAPITRE VIII.


Allons, Jessica, rentrez. Peut-être je reviendrai tout de suite ; faites ce que je vous ordonne, fermez la porte après vous. On retrouve sain et sauf ce qu’on a bien enfermé ; c’est un proverbe qui n’a jamais vieilli dans les esprits sages.
Shakspeare. Le Marchand de Venise.


La précipitation avec laquelle mademoiselle de Barberie avait congédié son amant, était due autant au besoin qu’elle éprouvait de réfléchir sur les événements qui venaient de se passer, qu’au mécontentement que causait une visite faite à une heure aussi

  1. Nous saisissons cette occasion d’apprendre au lecteur que, dans le texte, M. François parle toujours un langage mêlé de français et d’un mauvais anglais, dont la prononciation fautive est figurée par l’auteur. Nous avons conservé, autant que possible, le français tel que l’a écrit M. Cooper.