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in-Rust ; et le marchand, qui avait lu quelques classiques dans son enfance, était obligé de convenir que ce nom ne signifiait ni plus ni moins que otium cum dignitate[1].

Si l’amour de la solitude et celui d’un air pur avaient contribué à déterminer le bourgeois de Manhattan, il ne pouvait pas faire un meilleur choix. Les terres adjacentes avaient été occupées de bonne heure, dans le siècle précédent, par une famille respectable du nom d’Hartshorne, qui les possède encore de nos jours. L’étendue de leurs possessions, à cette époque, éloignait toute autre propriété de la leur. En ajoutant à cet incident la disposition et la qualité du terrain, qui était alors de peu de valeur pour l’agriculture, on verra que les étrangers avaient aussi peu de motifs que d’occasions de parvenir jusque-là. Quant à l’air, il était rafraîchi par les brises de l’océan, qui était à peine à la distance d’un mille, et il n’existait aucune cause qui eût pu le rendre impur ou malsain. Ayant présenté cette esquisse de l’aspect général de la scène où se passèrent la plupart des incidents de notre histoire, nous allons décrire l’habitation de l’alderman un peu plus en détail.

La villa de Lust-in-Rust était un édifice bas et irrégulier, construit en briques, revêtu d’une couleur blanche comme la neige, et dans un goût qui était entièrement hollandais. Il y avait plusieurs girouettes surmontées de coqs, une douzaine de petites cheminées en spirales et une multitude de petites dispositions qui étaient destinées à servir de nid à des cigognes. Ces demeures aériennes étaient inhabitées, au grand étonnement de l’honnête architecte qui, semblable à tous ceux qui apportent dans cet hémisphère des coutumes et des opinions qui conviennent mieux à l’ancien monde, exprimait sans cesse son étonnement à ce sujet, quoique tous les nègres du voisinage s’accordassent à dire qu’il n’y avait jamais eu un semblable oiseau en Amérique. En face du bâtiment on voyait une pelouse, petite mais bien soignée, entourée d’arbrisseaux, tandis que de vieux ormes, qui semblaient contemporains de la montagne, croissaient dans le riche sol qui composait sa base. On ne manquait pas non plus d’ombrage sur la terrasse naturelle qui était occupée par les bâtiments ; elle était plantée d’arbres à fruit, et l’on y voyait çà et là

  1. Repos et dignité.