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ardeur à charger les canons, et les refouloirs ainsi que les écouvillons passaient de main en main avec rapidité. L’alderman n’avait jamais été plus absorbé sur son livre de comptes, qu’il ne le paraissait dans son devoir de canonnier, et les jeunes gens auxquels le commandement des batteries avait nécessairement été confié s’aidaient avec zèle de toute leur expérience. Trysail était debout près du cabestan, donnant froidement les ordres dont nous avons parlé, et regardant le haut du vaisseau avec un intérêt assez grand pour le rendre insensible à tout ce qui se passait autour de sa personne. Ludlow vit avec chagrin que le sang souillait le pont à ses pieds, et qu’un matelot était tombé mort à quelques pas de lui. Le brisement d’une planche et des éclats de vaigrages ou revêtements intérieurs du navire, montraient le point par lequel le boulet destructeur avait passé. Comprimant ses lèvres, comme un homme résolu, le commandant de la Coquette s’avança plus loin, et examina la roue de corderie. Le contre-maître charpentier, qui tenait les raies de la roue, était calme, et avait l’œil fixé sur le côté vertical de la voile principale, aussi invariablement que l’aiguille montre le pôle.

Ces observations furent le résultat d’une minute. Les différentes circonstances que nous venons de détailler avaient été reconnues si rapidement qu’elles avaient été notées sans perdre un instant la connaissance de la situation précise de la Fontange. Cette dernière était déjà dans le lit du vent. Il devint nécessaire de répondre à cette évolution par une évolution aussi prompte.

L’ordre ne fut pas plus tôt donné, que la Coquette, comme si elle eût été sensible au danger qu’elle courait d’être placée en enfilade de l’avant à l’arrière, tourna contre le vent, et, au moment où son adversaire était prêt à décharger ses canons, elle fut en position de lui rendre et de recevoir sa bordée. Les deux vaisseaux approchèrent de nouveau l’un de l’autre et échangèrent une seconde fois leurs torrents de feu. Ludlow vit alors à travers la fumée la vergue énorme de la Fontange se balançant pesamment contre la brise et la voile frappant contre son mât. S’élançant de la poupe sur un mât d’étai qui avait été renversé un moment auparavant, il sauta sur le gaillard d’arrière à côté du contre-maître.

— Resserrez les bras, dit-il rapidement mais parlant bas et d’une