Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/363

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et les clameurs se faisaient entendre parmi les cordages de la Fontange. Au moment où les deux vaisseaux s’approchaient l’un de l’autre, on distingua la voix du jeune Dumont ordonnant à ses gens de faire feu, à travers un porte-voix. Ludlow sourit, et il y avait dans ce sourire tout le mépris dont un marin est susceptible. Levant à son tour son porte-voix, il le montra d’un geste tranquille à son équipage attentif, et une décharge d’artillerie fut vomie des flancs sombres du bâtiment, comme si c’eût été par la volonté seule du vaisseau. Les canons de l’ennemi répondirent presque aussitôt à ce message, et les deux vaisseaux passèrent promptement hors la direction du boulet. Le vent avait envoyé la fumée sur le vaisseau anglais, et pendant quelque temps elle flotta sur ses ponts, tourbillonna autour des voiles et passa sous le vent avec la brise qui succéda au contre-courant des explosions. Le sifflement d’un boulet et le craquement du bois avaient été entendu au milieu du combat. Jetant un regard sur son ennemi, qui conservait toujours la même position, Ludlow quitta la poupe, et, avec toute l’anxiété d’un marin, il essaya d’examiner les drisses.

— Qu’avons-nous perdu, Monsieur ? demanda-t-il à Trysail, dont le visage devint visible à travers la fumée. Quelle est la voile qui frappe aussi lourdement ?

— Il y a peu de mal de fait, Monsieur. — Peu de mal. — Mettez la main à ce palan sur cette vergue d’avant. — Vous, marins d’eau douce ! vous vous remuez comme des limaçons dans un menuet !

— Le Français a troué la voile qui est sous le vent, Monsieur. Mais nous pourrons promptement étendre nos voiles de nouveau.

— Renversez-la, mes amis, comme si c’était une branche morte. — Bien ; calmes ; en dehors votre bouline, en avant. — Abordez-la, vous le pouvez. — Abordez-la, il le faut.

La fumée avait disparu, et l’œil du capitaine parcourait rapidement toute l’étendue de son vaisseau. Trois ou quatre gabiers s’étaient déjà emparés de la voile déchirée et ils étaient assis sur l’extrémité de la vergue d’avant, occupés à assujettir leur captive. On voyait un trou ou deux dans d’autres voiles, et çà et là un cordage peu important pendait de manière à prouver qu’il avait été coupé par le boulet.

C’était tout le dommage qu’il aperçut dans le haut du vaisseau, et il n’était pas de nature à captiver son attention. La scène était différente sur le pont : le faible équipage s’occupait avec