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il l’avait vue au commencement de la soirée, son coude appuyé sur le bois précieux et sa belle main soutenant son visage qui avait l’air pensif, sinon mélancolique, expression qui ne lui était pas habituelle. Le commandant de la Coquette sentit que tout son sang se portait vers son cœur, car il s’imagina que ce triste et beau visage exprimait le repentir. Il est probable que cette idée réveilla ses espérances flétries ; il pensa qu’il n’était peut-être pas trop tard pour arracher des bords du précipice où elle était suspendue une femme qu’il aimait si sincèrement : la démarche inconsidérée qu’elle avait faite était déjà oubliée, et le généreux marin allait se précipiter de nouveau dans la Cour des Fées, afin d’implorer celle qu’il aimait de se rappeler ce qu’elle se devait à elle-même, lorsque Alida laissa tomber sa main sur ses genoux, leva la tête, et Ludlow vit à l’expression de ses regards qu’elle n’était plus seule ; le capitaine revint sur ses pas pour connaître les résultats de cette interruption.

Alida leva les yeux avec cette bonté et cette ingénuité sincère qui embellit le visage d’une femme innocente, lorsqu’elle parle à ceux qui possèdent toute sa confiance. Elle sourit, mais plutôt avec tristesse qu’avec plaisir ; elle parla, mais la distance empêcha que ses paroles parvinssent jusqu’à Ludlow. L’instant qui suivit, Seadrift s’avança dans l’espace qui était visible à travers la draperie soulevée et prit sa main. Alida ne fit aucun effort pour la retirer, elle regarda au contraire le jeune homme avec le plus vif intérêt, et parut comme absorbée dans l’attention qu’elle donnait à ses discours. Alors Ludlow ouvrit violemment la grille, et il ne s’arrêta que lorsqu’il fut parvenu aux bords de la rivière.

Le commandant de la Coquette trouva sa chaloupe dans le lieu où il avait ordonné à ses gens de la dérober à tous les regards, et il allait y monter, lorsque le bruit d’une petite porte fermée par le vent le porta à regarder derrière lui. Il vit distinctement une forme humaine contre les murs légers de la villa, qui descendait vers la rivière. Les gens de Ludlow reçurent l’ordre de garder le silence et de se mettre à l’ombre d’une petite palissade ; alors le capitaine attendit l’arrivée de l’inconnu. Lorsqu’il passa devant Ludlow, ce dernier reconnut la tournure agile du contrebandier. Seadrift s’avança sur le bord de la rivière, et regarda prudemment autour de lui pendant quelques minutes. Un son faible mais