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Le bâtiment, bien construit, reprit son équilibre, et essaya de voguer sur son élément, comme s’il eût deviné qu’il n’y avait d’espoir de salut que dans le mouvement. Ludlow jeta un regard du côté du vent. L’entrée du Cove était heureusement située, et il aperçut les espars du brigantin, bercés violemment par la rafale. Il demanda si le vaisseau était dégagé de son ancre, et on l’entendit encore crier de sa place dans le passe-avant :

— Arrive tout ! la barre tout au vent !

Le premier effort du croiseur pour obéir au gouvernail, dépouillé qu’il était de ses voiles, fut difficile et lent ; mais lorsque l’éperon commença à baisser, le nuage poussé par le vent est à peine plus prompt que ne le fut sa course. Dans ce moment les vapeurs se dilatèrent et un torrent de pluie se mêla au bruit de l’orage en augmentant la confusion. On ne voyait plus rien que les lignes d’eau qui tombaient sur la nappe d’écume que le vaisseau traversait.

— Voici la terre, Monsieur, s’écria Trysail d’un bossoir où il était placé, ressemblant à un vénérable dieu marin noyé dans son élément natal. Nous la passons avec la rapidité d’un cheval de course !

— Dégagez vos ancres de poste, répondit le capitaine.

— Préparé, préparé, répondit Trysail.

Ludlow fit signe aux hommes placés à la roue du gouvernail d’amener le vaisseau au vent, et lorsque la marche du navire fut suffisamment amortie, deux ancres pesantes tombèrent sous les eaux à un autre signal. Le vaste bâtiment fut arrêté sans un nouveau choc. Lorsque l’avant se sentit retenu, le vaisseau se posa debout au vent, et des brasses d’énormes cordes furent attirées par des boules assez violentes pour agiter d’un tremblement le centre de la carène. Mais le premier lieutenant et Trysail n’étaient point novices dans leur métier, et en moins d’une minute ils avaient solidement assujetti le vaisseau sur ses ancres. Quand cet important service fut rendu, les officiers et l’équipage se regardèrent comme des hommes qui viennent de courir ensemble de grands hasards. Le temps s’éclaircit, et les objets devinrent visibles à travers la pluie, qui tombait toujours. Ces hommes qui passaient leur vie sur la mer respirèrent plus facilement, convaincus que le danger était passé. À mesure que leurs craintes diminuaient, ils se rappelèrent l’objet de leur recherche. Tous les yeux se tour-