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L’existence d’invertis, normaux au point de vue morphologique, peut justifier à première vue l’opinion des dissidents qui admettent que les invertis peuvent n’être ni des dégénérés, ni des criminels, ni des malades. Raffalovich[1], qui défend l’intégrité intellectuelle et morale des invertis supérieurs, établit à juste titre des distinctions parmi les invertis ou uranistes. Il y a des chastes, des modérés, des sensuels et des vicieux. Il y a parmi les uranistes virils des catégories, les uns qui recherchent l’homme pour ses qualités viriles, soit au point de vue psychique, soit au point de vue sensuel, ou à la fois au point de vue psychique et au point de vue sensuel ; d’autres qui recherchent dans un autre mâle une sensibilité plus délicate que celle de l’homme ou de la femme, d’autres enfin qui aiment le mâle comme des individus normaux aiment la femme. Ce ne sont guère ces sujets que les médecins ont eu en vue dans leurs descriptions, ils se sont surtout attachés aux invertis dont les amours sont des amours de femme, qui miment la femme dans ses goûts, dans sa tenue, aussi bien que dans son attitude dans l’acte sexuel lorsqu’ils le recherchent. On pourrait établir les mêmes distinctions chez la femme, dont les inversions sexuelles sont beaucoup moins connues.

Quelle que soit la forme de l’inversion sexuelle, si elle est congénitale elle résiste à tous les traitements. Si, sous l’influence de la suggestion ou d’un traitement tonique et excitant, l’inverti peut arriver à vaincre sa répugnance pour l’autre sexe, le résultat obtenu est bien plutôt la perversion de l’inverti que la guérison de l’inversion. Il est donc permis de mettre en doute l’utilité du traitement et même la légitimité de la tentative.

L’inverti qui n’est pas l’esclave de son instinct sexuel, celui qui est chaste, soit par tempérament, soit parce qu’il est assez maître de lui pour ne pas se mettre en dehors d’une loi qu’il reconnaît être celle de la nature, est inoffensif au point de vue social. Celui qui est capable de faire dériver dans un travail utile l’énergie d’une tendance qu’il reconnaît comme morbide ou comme hors de la loi naturelle, peut être un homme non seulement inoffensif, mais un homme utile.

  1. M. A. Raffalovich. — Uranisme et unisexualité, Études sur les différentes manifestations de l’instinct sexuel, 1896.