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ils peuvent même se croire supérieurs à ceux qui sentent et pensent autrement ; mais quand ils voient faire ceux qui les entourent ils ne peuvent pas croire qu’ils leur ressemblent, qu’ils sont dans la règle, qu’ils sont normaux en un mot, sans être en même temps des invertis et des fous. J’ai observé un inverti qui était bien convaincu que sa manière d’être était tout aussi normale que l’autre, mais ce n’était pas sa seule manifestation de folie[1].

Quant à l’hérédité de l’inversion sexuelle, elle n’est pas suffisamment établie dans ces observations : l’inversion est tout au plus vraisemblable chez la fille suicidée ; quant à l’idiot il ne peut servir de preuve, car chez les idiots les perversions sexuelles sont fréquentes, en dehors de toute hérédité similaire. Mais ce qui n’est pas douteux c’est que cette mère invertie a donné naissance à une fille qui a succombé aux convulsions, à une autre névropathe suicidée, et à une autre qui présente au moins de grandes ressemblances avec une épileptique. On peut être de son avis et admettre que la reproduction n’était pas plus désirable pour elle que pour la communauté. Son observation concorde tout à fait avec la précédente, où on voit un inverti donner naissance à quatre enfants défectueux.

Je me trouve donc autorisé à persévérer dans l’opinion que j’ai déjà exprimée.

Si les perversions acquises sont susceptibles d’être efficacement traitées par des moyens qui s’adressent aux conditions pathogènes, l’inversion congénitale est en dehors du champ d’action de la médecine ; il n’est pas plus possible de restaurer le sens sexuel chez un inverti congénital que de restaurer la vision des couleurs chez un daltonien. Les tentatives que l’on fait pour les faire rentrer dans la règle n’aboutissent qu’à une perversion ; elles peuvent être excusables lorsqu’il s’agit d’impulsifs qui ont chance de devenir des objets de perversion si on les laisse suivre leur instinct. Quant à ceux qui sont susceptibles d’être maintenus dans la continence, une initiation contre nature ne peut leur être d’aucune utilité même momentanée. C’est justement parce que les invertis sont des dégénérés et que, lorsqu’ils

  1. Ch. Féré, — Note sur une amnésie consécutive à des idées obsédantes. (Revue neurologique, 1893, p. 653.)