Page:Contribution à l'étude de la descendance des invertis.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.

changement ni dans les sensations ni dans les sentiments sexuels. Ses tendances homosexuelles se révélaient de temps en temps soit dans les rêves soit dans la veille à propos de contacts et ils se traduisaient par les mêmes phénomènes qu’autrefois. Elle prétend que quand elle a perdu son enfant elle a été moins affectée que par la mort de son père ou de sa mère ; elle souffre autant de n’être pas une mère comme les autres que de n’être pas une femme comme les autres. Son mari est de douze ans plus âgé qu’elle[1] ; les rapports sexuels se sont éloignés de bonne heure, sa froideur aidant, et depuis l’âge de trente-huit ans elle n’en a plus eu aucun ; mais elle est encore sujette, bien que la menstruation ait fait défaut depuis deux ans, à des pollutions nocturnes ou diurnes dans les mêmes conditions qu’autrefois.

Elle voit dans le suicide d’une de ses filles la preuve de l’hérédité directe de son anomalie sexuelle, et dans les accidents nerveux des deux autres son inaptitude génératrice, elle s’accuse d’avoir, malgré ses soins, mal répondu à l’affection de son mari et elle conclut qu’elle aurait fait moins mal si elle ne s’était pas mariée. Elle affirme qu’elle aurait pu continuer à résister aux actes qu’elle considère comme coupables, puisqu’elle ne s’était jamais senti d’impulsions de ce genre.

Comme chez l’homme de l’observation précédente, la conscience d’une anomalie sexuelle est très évidente chez cette mère ; elle souffre de n’être pas comme les autres femmes, tant au point de vue de l’appétit sexuel qu’au point de vue de l’amour maternel.

M. Raffalovich a prétendu que c’était une grossière erreur que croire que les invertis ont conscience de leur anomalie[2]. Cette croyance pourtant pouvait s’appuyer sur un bon nombre de faits d’invertis qui sont allés consulter des médecins. Il est vrai que M. Raffalovich, qui accueille volontiers les faits divers[3] des journaux, conteste la valeur des observations médicales. Pourtant il me semble que la raison concorde avec l’observation pour faire admettre qu’un bon nombre d’invertis ont conscience qu’ils sont anormaux. Les invertis peuvent penser qu’ils sont dans leur droit de sentir comme ils sentent, ils peuvent même n’avoir aucune hésitation à réclamer le droit de s’accoupler suivant leur instinct,

  1. C’est actuellement un homme de soixante-cinq ans, paraissant plus jeune que son âge, sobre, n’ayant eu aucune maladie depuis son mariage.
  2. Annales de l’unisexualité, 1897, p. 37.
  3. ibid., p. 47 et suivantes.