Page:Contribution à l'étude de la descendance des invertis.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

correspondance qui était même devenue plus abondante. L’amie avait été plusieurs fois recherchée depuis ; mais elle avait dissimulé avec soin. Cependant elle avait été elle-même plusieurs fois l’objet de recherches qu’elle avait repoussées avec une sorte d’horreur, et sa mère avait renoncé à lui communiquer celles qui se produisirent plus tard. On verra que sa mère était bien disposée à ne pas contrarier ses sentiments. Au mois de novembre 1895, c’est-à-dire quatre ans après l’éventualité qui avait provoqué l’attaque de chorée, l’amie répondit par une acceptation à une offre accueillie par sa famille, et la dissimulation ne fut pas longtemps possible. À une crise de pleurs qui dura plusieurs heures, on vit succéder une attitude de résignation qui parut de bon augure ; la jeune fille déclara que, puisque son amie se mariait, elle ne pouvait plus lui inspirer que du dégoût, qu’elle ne la reverrait plus. La mère, qui surveillait l’insomnie et l’absence d’alimentation à peu près complète, n’était pas sans inquiétude ; on épiait ses mouvements particulièrement la nuit. Mais le troisième jour au matin, elle sortit avec une tranquillité apparente pour une promenade qui n’inspira pas d’inquiétude. Quelques heures plus tard, on la retrouvait morte dans un puits abandonné.

La mère ne connaissait à sa fille morte pas plus qu’à sa fille vivante aucune anomalie somatique et en particulier aucune anomalie des organes génitaux ou des organes sexuels accessoires ; les hanches étaient bien développées, les seins plutôt volumineux. Cependant elle ne doute pas qu’il ait existé chez celle qui s’est suicidée, des anomalies des sentiments sexuels. Cette opinion s’appuie sur certaines particularités qu’elle avait remarquées chez sa fille et qu’elle avait éprouvées elle-même.

Elle a cinquante-trois ans. Elle appartient à une famille qui a toujours vécu à la campagne et composée de gens qui paraissaient sains au point de vue mental : son père est mort à cinquante-six ans d’une fluxion de poitrine ; un oncle paternel vit encore à soixante-douze ans et se porte bien, mais est affecté depuis au moins vingt ans d’un tremblement des mains. Une tante paternelle, vivante aussi, est atteinte de rhumatisme chronique depuis l’âge de quarante-huit ans ; la mère est morte d’un cancer utérin, à cinquante-cinq ans ; elle avait une sœur jumelle morte l’année suivante de la même affection. Un oncle paternel est d’une santé parfaite à soixante-deux ans. Parmi ses collatéraux, elle ne connaît pas d’aliénés, ni de gens excentriques ; mais dans la ligne maternelle il y a plusieurs jumeaux.

Elle-même est jumelle, sa sœur est morte du croup à trois ans, de même qu’un frère d’un an plus jeune. Elle était bien conformée et s’est développée normalement : elle a eu des mictions nocturnes jusqu’à huit ans, mais en dehors de ce trouble elle n’a souffert d’aucun accident nerveux jusqu’à la puberté qui s’est établie nor-