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Le lièvre fit semblant de bâiller et cria : Hay êh taputj ! Il gémissait et en même temps il faisait semblant de bailler ; trois ou quatre fois il bâilla (et cria) comme cela.

L'éléphant, le tigre, la loutre, la poule mangèrent tous et louèrent ce ragoût disant qu'il était très bon. Le lièvre bâilla une fois encore s'écriant : Hay êh taputj ! hivutj êh tapay[1] ? Les compagnons réfléchirent et dirent : Le lièvre nous a fait cuire des crottes, ce n'était pas du poisson. Nous avons mangé des crottes de lièvre et non pas du poisson.

Ayant fini leur repas ils s'unirent, les uns pour faire le char les autres pour faire les buffles afin d'aller charger leur chaume. L'éléphant dut faire le char, le tigre et la loutre étaient les buffles et la poule guidait. Quant au lièvre, étant malade, il ne pouvait rien faire et on le laissa chasser le char. Marchant ainsi ensemble ils allèrent charger leur chaume.

Arrivés à l'endroit où ils l'avaient coupé ils le chargèrent sur le dos de l'éléphant, ensuite ils s'exhortèrent les uns les autres à aller arracher des lianes pour attacher le chaume sur le dos de l'éléphant pour qu'il fût solide. Le tigre et la loutre prirent des lianes et les attachèrent au cou de l'éléphant, et de l'autre côté les lièrent solidement a leur cou.

La poule conduisit le char et le lièvre le chassa devant lui. Ils attelèrent ce char de chaume pour revenir à la maison. A moitié chemin le lièvre fit semblant d'avoir la fièvre et d'être très malade ; il demanda à ses compagnons de le laisser monter sur le char parce qu'il ne pouvait marcher dessous. Les autres

  1. Le lièvre emploie ici un procédé d'équivoque familier aux Annamites et dont on trouve du reste des exemples dans Rabelais. Il allie la finale d'un mot avec l'initiale de l'autre. Hay êh tapwutj n'a pas de sens par lui-même ; il n'est destiné qu'à faire penser à hivutj êh tapay (je sens) ou sentez la crotte de lièvre.