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leur dit que dans la forêt il avait peur et se plaça au milieu d'eux. Il leur dit en outre : Mes principes veulent que, allant à la forêt, on cause joyeusement pour réjouir la forêt. Ces gens causèrent donc pendant tout le chemin et il les suivit en se guidant sur le bruit de leur conversation. Enfin ils trouvèrent un arbre propre à faire une charrue. Couperons-nous cet arbre lui dirent-ils ? — Coupez-le. — Ils le coupèrent et lui dirent de le façonner, mais il prétendit qu'il avait mal au ventre. Dégrossissez l'arbre, leur dit-il, et quand je n'aurai plus mal je le polirai joliment.

Les domestiques dégrossirent l'arbre et le prirent sur leurs épaules pour le rapporter à la maison. Arrivés à moitié route l'aveugle fit semblant d'être pris de coliques et se coucha en travers du chemin. Il dit aux domestiques de passer devant, qu'il avait grand mal au ventre et qu'on le laissât venir après. Les domestiques le laissèrent là avec une hache et la charrue qu'ils avaient dégrossie. L'aveugle resta couché au milieu du chemin.

Tout à coup il entendit venir deux cavaliers, et, tout en restant couché, il se mit à gémir. Les deux cavaliers lui demandèrent : Pourquoi êtes-vous ainsi couché sur le chemin ? Il leur répondit qu'il avait été couper une charrue et l'avait rapportée jusque-là, mais, ayant été pris de douleurs de ventre il n'avait pu aller plus loin. Les deux cavaliers achevèrent de lui tailler sa charrue pour le décharger d'autant, ensuite ils remontèrent à cheval et partirent.

La femme alla toute seule au-devant de lui. Il l'entendit venir et lui demanda si sa femme ne venait pas, car il ne la voyait pas. Celle-ci lui dit : Tu sais merveilleusement faire des façons, me voici droit devant toi et tu fais semblant de ne pas me voir. Il s'excusa en disant que c'étaient des plaintes qu'il avait poussées sans s'adresser à personne.