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CONTES SECRETS RUSSES

décida-t-il. Justement, tandis que la jeune fille allait à la messe, elle aperçut le gars qui menait sa maigre rosse à l’abreuvoir ; la pauvre bête bronchait à chaque pas, si bien que la paysanne riait à se tordre. Au moment où le cheval commençait à gravir une colline escarpée, il s’abattit et roula en bas de la montée. Furieux, le gars saisit l’animal par la queue et se mit à le battre impitoyablement : « Relève-toi, que je t’écorche ! » vociférait-il. — « Pourquoi maltraites-tu ainsi ta jument, scélérat ? » demanda la jeune fille. Il leva la queue de son cheval et, les yeux fixés sur l’endroit qu’il venait de découvrir, répondit : « Que faire avec elle ? Je la φουτραις bien, mais je n’ai pas de υιτ ! » En entendant ces mots, la paysanne pissa de joie et se dit : « Voilà l’époux que le Seigneur me destine en récompense de ma simplicité ! » Elle revint chez elle, alla s’asseoir dans le coin le plus éloigné de la porte et ne desserra pas les lèvres. Tout le monde se mit à table pour dîner, on l’appela, elle répondit d’un ton fâché : « Je n’ai pas faim ! — Qu’est-ce que tu as, Douniouchka ? » demanda la mère. — « Allons, pourquoi boudes-tu ainsi ? Tu veux peut-être te marier ? » fit à son tour le père. La jeune fille n’avait en tête que d’épouser le gars privé de υιτ. — « Si je me marie avec quelqu’un, ce ne sera qu’avec Ivan ; que vous consentiez ou non à me le laisser épouser, je ne serai jamais la femme d’un autre, » déclara-t-elle à ses parents. — « À quoi penses-tu, sotte ? Est-ce que tu as perdu l’es-