Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
CONTES SECRETS RUSSES

sujet : « Vieille, il faut que nous mariions Gritzko. — Soit, marions-le. » Les parents firent chercher leur fils. « Bonjour, panotché[1], » dit à ce dernier le domestique envoyé vers lui, « ton père te demande ». Arrivé à la maison, le jeune homme y trouva les deux vieillards, qui l’accueillirent par les mots : « Bonjour, fils, comment vas-tu ? — Grâce à Dieu, je ne vais pas trop mal, papa et maman ; mais pourquoi donc m’avez-vous fait appeler ? — Vois-tu, » reprit le père, « ta mère et moi nous sommes vieux ; eh bien ! il faut que nous te mariions. — Je ne veux pas ! Je m’en irai dans la steppe. — Attends, n’aie pas peur ; nous consulterons de braves gens, nous verrons ce qu’ils disent. — Alors, c’est bien ». Les braves gens conseillèrent aux parents de donner à leur fils six sacs de grain et de l’envoyer au marché. « Recommandez-lui, » dirent-ils, « de ne les vendre ni aux Juifs, ni aux marchands, ni aux vieilles femmes ; qu’il les cède seulement aux jeunes filles et qu’il réclame une passade pour le prix d’un sac. »

Revenu chez lui, le vieux Cosaque dit à son fils : « Gritzko, prend deux bœufs, attelle-les à la charrette et conduis six sacs de blé au marché ; seulement ne les vends ni aux Juifs, ni aux marchands, ni aux vieilles femmes ; vends-les aux jeunes

  1. Fils de pan ou de gentilhomme, appellation polie usitée en Ukraine quand on adresse la parole à un jeune homme.