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CONTES SECRETS RUSSES

à qui il demanda l’hospitalité pour la nuit. « Entre, il y a place ici pour toi, » lui répondit le pope. Le paysan entra, se déshabilla, s’étendit sur un banc. L’idée lui vint de vérifier la somme qu’il avait sur lui, il la tira de sa poche et se mit à la compter. Le pope vit le paysan en train de se livrer à cette occupation (ils remarquent cela tout de suite !) et se dit : « Voyez donc, il est couvert de haillons, et quelle masse d’argent il a ! Je vais le faire boire et je profiterai de son ivresse pour le dévaliser ! » Peu après, le pope, s’approchant du moujik, lui dit : « Allons souper ensemble, mon cher ! — Merci, batouchka ! » répondit joyeusement l’autre. Ils se mirent à souper, le pope versait à chaque instant de l’eau-de-vie à son hôte, il ne lui laissait pas de repos ! Ces libations répétées enivrèrent le paysan, qui roula sur le parquet ; aussitôt l’ecclésiastique lui prit son argent, le serra dans un meuble et coucha le moujik sur un banc.

Le lendemain matin, quand le visiteur se réveilla, il ne trouva plus rien dans sa poche, et comprit ce qui en était, mais que faire ? S’il portait plainte contre le pope, on ne manquerait pas de lui demander comment il s’était procuré cet argent et d’où il venait lui-même ; il ne ferait que s’attirer de nouveaux désagréments ! Le moujik s’en alla donc ; pendant un mois, deux mois, trois mois, il traîna de divers côtés, ensuite il se dit : « Pour sûr, à présent le pope m’a oublié ; je vais m’habiller de façon qu’il ne me reconnaisse pas, je me pré-