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CONTES SECRETS RUSSES

bonnes journées ? As-tu gagné beaucoup d’argent ? — Je rapporte à la maison cinq cents roubles. — C’est une bonne affaire, mon ami ! Veux-tu parier avec moi ces cinq cents roubles contre mille que je te donnerai si tu gagnes ? — Quel pari pourrais-je faire avec toi ? — Voici : passe vingt-quatre heures chez moi, bois, mange autant qu’il te plaira, mais ne satisfais aucun besoin naturel : si tu remplis cette condition, tu auras gagné ; dans le cas contraire, c’est moi qui gagnerai. — Soit, batouchka ! » Le pari fut accepté. Le pope mit aussitôt sur la table toutes sortes de victuailles et de liquides ; le jeune homme mangea et but au point de ne plus pouvoir respirer. Le pope l’enferma dans une chambre particulière.

Avant que la journée fût finie, le paysan éprouva certain besoin, il ne put y tenir. « Que faire ? » dit-il à son hôte, « ouvre, batouchka, j’ai perdu mon pari ! » Le pope le soulagea de son argent et le renvoya chez lui entièrement nettoyé. Cette façon de grossir son pécule plut à l’ecclésiastique et il dévalisa encore, par le même procédé, deux ou trois autres moujiks. Le bruit s’en répandit dans les villages et dans les hameaux ; un malin paysan, qui retournait chez lui avec moins d’un grosch dans sa bourse, résolut de berner à son tour le pope. Il se présenta à l’auberge de ce dernier pour y passer la nuit. « D’où viens-tu ? » lui demanda l’ecclésiastique. — « J’ai été travailler au dehors et maintenant je retourne chez moi. — Rapportes-tu beaucoup d’argent chez