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CONTES SECRETS RUSSES

du défunt, « tu sais toi-même si les Tsiganes ont de l’argent : j’avais quelques groschs, je les ai dépensés tous pour le Requiem ; mais, batouchka, prends patience jusqu’à la foire, je gagnerai alors de l’argent et je te paierai. — Allons, c’est bien, mon cher, on peut attendre. » La foire eut lieu ; le Tsigane alla vendre des chevaux à la ville, l’ecclésiastique s’y rendit aussi pour ses affaires. Voilà qu’ils se rencontrent. « Écoute, Tsigane, » commence le pope, « il est temps que tu me paies ! — Que je te paie ? Mais est-ce que je te dois de l’argent ? — Comment, si tu m’en dois ! j’ai enterré ton père. — Ah ! voilà ce qui me tourmentait ! J’avais beau chercher mon père, je ne pouvais pas le trouver ; les pères des autres vendent des chevaux et le mien pas ; ainsi, barbe de bouc, tu as enterré mon père ! » Il saisit le pope par sa barbe, le renversa à terre, puis, détachant un fouet pendu à sa ceinture, se mit à le flageller : « C’est ta faute, barbe de bouc, si mon père ne vit plus ! Mais je vais te cingler avec mon knout ! » Le pope ne réussit qu’à grand’peine à se dégager des mains du Tsigane, il s’empressa de détaler et cessa dès lors de réclamer de l’argent à un tel débiteur.