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CONTES SECRETS RUSSES

donc devenue ? » Cependant le besoin qu’il éprouvait le tourmentait de plus en plus. Que faire ? Gritzka s’assit près de la table et se déchargea du fardeau qui l’oppressait. Ensuite il réfléchit : « Voilà qui ne vaut rien, il faut faire disparaître cela d’ici à demain matin ! » En regardant autour de lui, il remarqua dans le mur une grande fente ; il voulut la boucher, mais il manqua son coup, lança la matière fécale à côté de la lézarde, et le mur la lui renvoya en plein museau. Gritzka s’essuya avec ses mains, il prit encore une jointée et fit une nouvelle tentative, mais sans plus de succès que la première fois. Il ne réussit qu’à barbouiller les murs et à se barbouiller lui-même. Il fallait se laver : le pauvre jeune homme se mit à chercher de l’eau ; en tâtonnant il découvrit sur le poêle une marmite qui contenait de la teinture : celle dont on se sert pour colorier les œufs de Pâques. Après avoir retiré la marmite de dessus le poêle, il commença à se laver les mains et le visage. « Allons, maintenant le mal est réparé ! » Sur cette réflexion, Gritzka se recoucha ; dès qu’il se fut endormi, son frère alla sans bruit prendre la table et la remit à son ancienne place.

Il faisait grand jour quand la fiancée vint réveiller son prétendu. « Lève-toi, mon âme ! » dit-elle, « le déjeuner est servi ! » Mais quelle ne fut pas sa frayeur quand, jetant les yeux sur son futur, elle vit qu’il ressemblait à un diable ! Épouvantée, la jeune fille s’enfuit et, toute en larmes, courut