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CONTES SECRETS RUSSES

Pas moins ; mille roubles, c’est mon dernier mot. » Il s’était rassemblé tant de monde autour du paysan, qu’une pomme ne serait pas tombée par terre. Deux riches marchands, se frayant tant bien que mal un passage à travers la foule, s’approchèrent de la voiture. — « Moujik, vends-nous ton diable ! — Il ne tient qu’à vous de l’acheter. — Eh bien ! quel est ton prix ? — Mille roubles, et encore je le vends seul, sans le coffre, car j’ai besoin du coffre : si je prends encore un diable, il faut que j’aie où le mettre. » Les marchands se décidèrent à faire cette acquisition à frais communs et remirent mille roubles au moujik. « Veuillez prendre livraison du diable, » dit-il en ouvrant le coffre. Aussitôt le pope s’élança dehors et prit sa course à travers la foule qui se hâta de fuir dans toutes les directions. « Quel diable ! si on en rencontre un pareil, on est perdu ! » se disaient l’un à l’autre les marchands.

Quant au moujik, il revint chez lui et ramena au presbytère les chevaux du pope : « Merci pour votre équipage, batouchka, » dit-il ; « j’ai fait d’excellentes affaires à la foire, j’ai gagné mille jolis roubles. » Sa femme alla ensuite chercher de l’eau ; en passant devant la cour du pope, elle aperçut ce dernier et se mit à faire : « hi, hi, hi ! » — « Tais-toi, maudite ! » répliqua l’ecclésiastique : « avec ces hi, hi, hi ! ton mari m’a joué un fameux tour ! » Dès lors, on n’entendit plus le pope hennir.