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XII
AVERTISSEMENT

qu’à l’ordure. Médiocrement doué sous le rapport de la fantaisie, l’esprit Grand-Russien ne s’élève pas au-dessus du terre-à-terre le plus prosaïque. En revanche, ces paysans voient juste, et ils décrivent avec beaucoup de vérité ce qu’ils ont vu : le monde rural, les relations du moujik avec le milieu qui l’entoure, bêtes et gens, — tout cela est très fidèlement retracé par eux dans de petits tableaux dont l’exactitude un peu sèche n’est cependant pas dénuée de pittoresque. Toutes proportions gardées, bien entendu, on peut affirmer que le don de l’observation, par où se distinguent les grands romanciers Russes de notre époque, n’a pas été refusé à leurs rustiques prédécesseurs.

Ajoutons-y l’humour, autre produit naturel de la terre Slave. « Gdié narod, tam i ston[1] », a dit Nékrasof. N’en déplaise au poète, il y a dans ces contes populaires beaucoup plus de rires que de gémissements. Mais leur enjouement ne ressemble pas à la joie cordiale et sans arrière-pensée des populations heureuses de vivre. C’est une gaieté maligne, aiguisée d’iro-

  1. Où est le peuple, il y a des gémissements.