Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
CONTES SECRETS RUSSES

je suis sûr que tu as de l’argent, mais à ton père spirituel tu te contentes d’apporter tes péchés ! Tu devrais, pour une circonstance pareille, voler quelque chose et le vendre ; tu apporterais au prêtre la somme voulue, tu lui confesserais ton vol avec tes autres péchés et il te les remettrait tous en bloc. » Cela dit, il renvoya le soldat sans vouloir le confesser. « Et ne reparais plus devant moi qu’avec un grivennik ! » ajouta-t-il.

« Comment faire avec ce pope ? » pensa le soldat, chassé du confessionnal. En promenant ses yeux autour de lui, il aperçut près du chœur une canne d’ecclésiastique surmontée d’un bonnet de castor. « Eh bien ! » se dit-il, « essayons de chiper ce bonnet. » Il s’en empara, sortit sans bruit de l’église et se rendit droit au cabaret. Là, le soldat vendit le bonnet pour vingt roubles, il fourra l’argent dans sa poche et mit en réserve un grivennik pour le pope, après quoi il revint à l’église et s’approcha du confessionnal. « Eh bien ! as-tu apporté un grivennik ? » lui demanda l’ecclésiastique. — « Oui, batouchka. — Et comment te l’es-tu procuré, mon cher ? — Je suis un pécheur, batouchka ! J’ai volé un bonnet fourré que j’ai vendu pour un grivennik. » Le confesseur prit la pièce de monnaie : « Allons, » dit-il à son pénitent, « Dieu te pardonne et je t’absous. » Le soldat se retira et le pope, ayant fini de confesser ses paroissiens, célébra les vêpres. Lorsqu’il eut terminé l’office, il se disposa à regagner sa demeure et