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CONTES SECRETS RUSSES

Elle alla trouver son père et lui dit : « La meule de foin est fort grande, je n’ai pas pu sauter par-dessus. — Ah ! ma fille, pour sûr, nous avons là un excellent ouvrier. Je vais l’engager pour un an. » Lorsque le moujik vint demander son salaire, le pope ne consentit pas à le laisser partir. « Je désire te conserver pendant un an, mon cher. — Bien, batouchka. » L’ouvrier resta donc chez le pope, à la grande satisfaction de la popovna qui, la nuit, se rendit auprès de lui. « Peigne-moi un peu ! » commença-t-elle. — « Non, je ne te peignerai pas pour rien ; donne-moi cent roubles, et ainsi tu achèteras le peigne. » La jeune fille alla chercher cent roubles et les remit à l’ouvrier qui, dès lors, la peigna chaque nuit. Mais, à quelque temps de là, le moujik, ayant eu une querelle avec le pope, se fit régler son compte et s’en alla. La popovna n’était pas chez elle à ce moment. De retour au logis, elle demanda où était l’ouvrier. « Il a pris congé de moi, » répondit le pope, « je lui ai payé ce que je lui devais et il vient de partir. — Ah ! mon père, qu’avez-vous fait ? Il a emporté mon peigne. » Ce disant, la jeune fille s’élança à la poursuite de l’ouvrier ; elle le rejoignit près d’un petit cours d’eau. Il retroussa son pantalon et entreprit de traverser le rivière à gué. « Rends-moi mon peigne ! » lui cria la popovna. Le moujik ramassa une pierre et la jeta dans l’eau : « Prends-le ! » dit-il ; après quoi, étant passé sur l’autre rive, il gagna le large. La jeune fille releva sa robe, entra