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travers les profondeurs concaves. Le temple est envahi par les ténèbres ; seules trois lumières brillent sur l’autel.

Seules, trois lumières brillent sur l’autel, car ce temple est celui de Poblet et ce chant est le Salve, c’est-à-dire le fervent salut qu’adressent à la Reine des Anges les cœurs chrétiens, quand apparaissent les premières blancheurs du matin. Les trois lumières sont là en souvenir de ces trois autres que les solitaires de Lardeta et l’armée de Bérenger virent un jour briller au-dessus des arbres. Ahmet s’appuie sur une colonne, et pleure.

Et il pleure abondamment, il pleure sans trêve son enfance passée dans l’erreur, sa jeunesse écoulée dans l’égarement. Ahmet se sent renaître, sent bouillonner dans son âme un monde de sentiments nouveaux, et les larmes qu’il verse sont le baptême qui purifie et lave de la faute les heures où il était aveugle et trompé. Ahmet tombe à genoux.

Il tombe à genoux, et alors, un à un, en procession, des êtres étranges, couverts de longues