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satin. À l’égard de ceux qui l’avaient suivie, ils eurent des récompenses proportionnées à leurs services.

Cependant Camarade disparut ; on vint le dire à Belle-Belle. Cette perte troubla la reine qui l’adorait ; elle fit chercher son cheval partout, ce fut inutilement pendant trois jours ; le quatrième son inquiétude l’obligea de se lever avant l’aurore ; elle descendit dans le jardin, traversa le bois, et se promena dans une vaste prairie, s’écriant de temps en temps : Camarade, mon cher Camarade, qu’êtes-vous devenu ? m’abandonnez-vous ? j’ai encore besoin de vos sages conseils : revenez ; revenez pour me les donner. Comme elle parlait ainsi, elle aperçut tout d’un coup un second soleil qui se levait du côté d’Occident ; elle s’arrêta pour admirer ce prodige : son ravissement fut sans pareil de voir que cela s’approchait peu à peu d’elle, et de reconnaître au bout d’un moment son cheval, dont l’équipage était tout couvert de pierreries, et précédait en cabriolant un char de perles et de topazes ; vingt-quatre moutons le traînaient, leur lame était de fil d’or et de canetille très brillante ; leurs traits de satin cramoisi, couverts d’émeraudes ; les escarboucles n’y manquaient pas, ils en avaient à leurs cornes et à leurs oreilles. Belle-Belle reconnut dans le char sa protectrice la fée avec le comte son père et ses deux sœurs, qui lui crièrent en battant des mains, et lui faisant mille signes d’amitié, qu’elles venaient à ses noces : elle pensa mourir de joie ; elle ne savait que faire ni que dire pour leur en donner tous les témoignages qu’elle aurait voulu : elle se plaça dans le chariot, et ce pompeux équipage entra dans le palais où tout était déjà préparé pour célébrer la plus grande fête qui pouvait se faire dans le royaume. Ainsi l’amoureux roi attacha sa destinée à celle de sa maîtresse ; et cette charmante aventure a passé de siècles en siècles jusqu’au nôtre.

MORALITÉ

Le plus cruel lion de l’ardente Libye,
Pressé par le chasseur dont il ressent les traits,
Est moins à redouter qu’une amante en furie,
Qui voit mépriser ses attraits.
Le fer et le poison est la moindre vengeance
Qu’ose demander son courroux ;
Pour en calmer la violence.
Vous en voyez ici les funestes effets :