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cablé de billets tendres, de rendez-vous, de présents et de mille galanteries, auxquelles il répondit avec tant de nonchalance que l’on ne doutait point qu’il n’eût une maîtresse dans son pays ; ce n’est pas que lorsqu’il était dans quelque fête, il n’y voulût paraître avantageusement ; il remportait le prix aux tournois, il tuait à la chasse plus de gibier que tous les autres, il dansait au bal avec plus de grâce et de propreté qu’aucun courtisan ; enfin, c’était un charme que de le voir et de l’entendre.

La reine aurait bien voulu s’épargner la honte de lui déclarer ses sentiments ; elle chargea Floride de lui faire apercevoir que tant de marque de bonté, de la part d’une reine jeune et belle, ne devaient pas lui être indifférentes. Floride se trouva fort embarrassée de cette commission ; elle n’avait pu éviter le sort de la plupart de celles qui avaient vu le chevalier, il lui paraissait trop aimable pour songer aux intérêts de sa maîtresse préférablement aux siens, de sorte que toutes les fois que la reine lui fournissait l’occasion de l’entretenir, au lieu de lui parler de la beauté et des grandes qualités de cette princesse, elle ne lui parlait que de sa mauvaise humeur, que de ce que ses femmes souffraient auprès d’elle, que des injustices qu’elle avait faites, et du mauvais usage qu’elle faisait du pouvoir qu’elle avait usurpé dans le royaume ; ensuite faisant une comparaison de sentiments : je ne suis pas née reine, disait-elle ; mais, en vérité, je devrais l’être ; j’ai un fonds de générosité qui me porte à faire du bien à tout le monde : ah ! si j’étais dans cet auguste rang, continuait-elle, que le beau Fortuné serait heureux ! il m’aimerait par reconnaissance, s’il ne m’aimait pas par inclination.

Le jeune chevalier, tout éperdu de ce discours, ne savait que répondre, cela était cause qu’il évitait soigneusement des tête-à-tête avec elle ; et la reine, impatiente, ne manquait pas de demander à Floride comment elle gouvernait l’esprit de Fortuné : il est si peu prévenu en sa faveur, lui disait-elle, et il a tant de timidité, qu’il ne veut rien croire de tout ce que je lui dis de favorable de votre part, ou il feint de ne le pas croire, parce qu’il a quelque passion qui l’occupe. Je le crois comme toi, disait la reine alarmée, mais serait-il possible qu’il ne fît pas céder tout à son ambition ? Et serait-il possible, répliquait, Floride, que vous voulussiez devoir son cœur à votre couronne ? Quand on est comme vous jeune et belle, que l’on a mille rares qualités, faut-il avoir recours à l’éclat d’un diadème ? L’on a recours à tout, s’écria la reine, lorsqu’il s’agit d’un cœur rebelle qu’on veut assujettir. Floride connut